L’ambition du spectacle est claire quand on lit le titre. Il faut rendre intelligibles les grandes lois du marché et les ressorts de notre système capitaliste à un large public, dans un format original et accessible. Malgré quelques fulgurances, cette tentative de théâtre didactique laisse une impression d’inabouti.

L’entrée en salle commençait bien avec des airs de rock tels Like a Rolling Stone de Bob Dylan. Durant 1h30, Jean-Marc Daniel mêle récits historiques, anecdotes personnelles, citations projetés et digressions sur les figures majeures de l’économie moderne. Il y a de l’érudition, c’est indéniable et une vraie volonté de transmettre. N’oublions pas qu’il est professeur émérite d’économie à l’ESCP Business School et a également enseigné à l’École des mines de Paris, à l’ENSAE et à l’ICES. Le ton est vif, l’orateur à l’aise, avec parfois un humour pince-sans-rire qui semble faire mouche. Sa personnalité est connue dans les médias ce qui explique la salle comble. L’homme intervient sur BFM Business, Cnews, France 5 et même Arte. Tout cela lui permet d’acquérir le statut de figure d’autorité. Il en a parfaitement conscience.

Mais très vite, le spectacle peine à dépasser sa forme de conférence universitaire décontracté et avec un parti pris affirmé. La scène reste assez figée, l’adresse frontale au public s’essouffle et la mise en scène rend l’ensemble monotone. La chaleur étouffante de la salle n’incite pas à la concentration. Il ne s’agit pas d’un véritable dialogue entre théâtre et économie, mais plutôt d’un exposé qui se veut savant qui utilise le théâtre comme simple décor. Est-ce que lire un texte, cité sans source, sans guillemet, projeté en plus sur un fond noir et du texte blanc, a sa place au théâtre? Les blagues récurrentes autour des retraités alourdissent la représentation. Bien qu’elles soient adaptées à l’âge moyen des spectateurs présents.

Le propos, quant à lui, s’inscrit dans une ligne de pensée très marquée, aux accents libéraux assumés. Cela pourrait susciter le débat, si ce débat était ouvert  mais ici, peu de place est laissée à la contradiction, ni même à la complexité des enjeux. Certaines simplifications peuvent agacer, notamment pour un public plus averti ou désireux d’une pluralité de points de vue. Il n’hésite jamais à se moquer des autres qui ne partagent pas son opinion et il y en a de très nombreuses. Il les méprise avec une suffisance heureuse. Le mépris ne devrait pas avoir sa place ici et encore moins ce dédain. De même pour ces femmes politiques qui font n’importe quoi et disent n’importe quoi. Le misogynisme semble avoir toute sa place ici et de façon décontracté. On a bien compris l’économie est une histoire d’hommes, des gars, de vrais.

En sortant, on se demande à qui s’adresse vraiment cette proposition : aux passionnés d’économie ou à ceux qui espéraient découvrir ce domaine à travers le prisme sensible du théâtre ? Entre le cours magistral et le one-man-show pédagogique, le spectacle reste coincé dans un entre-deux frustrant et énervant. Le théâtre peut être un lieu d’intelligence vive, de confrontation fertile. Ici, on aurait aimé un peu plus de mise en jeu, un peu moins de démonstration partisane et moins d’égocentrisme. Aucun doute que l’on aurait vraiment eu un autre regard avec Thomas Porcher par exemple. Des autres façons de penser l’économie pour le biens de tous.

Si l’on peut saluer l’intention de rendre l’économie vivante et compréhensible, le résultat laisse une impression d’austérité et de narcissisme. Le spectacle souffre d’un manque de rythme, de mise en scène et d’incarnation scénique. On repart avec quelques notions, certes, mais sans l’élan ni la surprise, ni la neutralité que l’on peut attendre du théâtre. Comme quoi faire de la communication à la télévision n’est pas pareil que faire du théâtre.

Où voir le spectacle? 
Au théâtre de Poche jusqu’au lundi 7 juillet 2025

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