Il arrive que certaines histoires s’imposent d’elles-mêmes, comme des récits nécessaires à raconter. Celles qui font renaître la mémoire, qui rappellent la force d’une vie et la fragilité d’un destin. Sur scène, c’est une émotion intime, sobre et vibrante qui prend forme, au croisement du théâtre, du témoignage et de la danse.

La pièce s’inspire d’une histoire réel, celui d’un frangin marquée par la guerre, la perte et la résilience. On y suit le récit d’un vieil homme qui, dans un monologue teinté de souvenirs et de remords, redonne vie à la figure lumineuse de Dolores, symbole de courage et de passion. L’histoire avance par touches successives, mêlant narration, musique et flamenco, dans une structure fluide qui oscille entre le passé et le présent. La tension dramatique naît moins de l’action que du souvenir qui se déploie et l’on comprend vite où le récit nous mène. Pourtant, la sincérité des mots, de Yann Guillon et Stéphane Laporte, nous touchent juste ce qu’il faut. On écoute cette parole fragile qui se reconstruit à mesure qu’elle se dit, par la force d’un simple témoignage qui souligne le drame pour célébrer la vie et la rébellion.

La mise en scène, épurée mais expressive, de Virginie Lemoine, trouve une belle justesse dans sa simplicité. Quelques chaises, des projections de lumière, des rideaux et des sons suffisent à évoquer de nombreux pays, la guerre, la danse et la mémoire. Les effets scéniques, mesurés, soutiennent la narration sans jamais l’alourdir. Ce minimalisme donne à l’acteur principal toute la latitude d’explorer la complexité de son personnage, entre douleur, tendresse et humour discret. On aurait toutefois aimé que le rythme ralentisse par moments pour laisser autant à la danse d’avoir le temps de montrer le talent et l’intensité tant évoqué et aussi le temps de s’attacher à tous les personnages. Parfois à trop vouloir en dire, on oublie certaines choses importantes. Les passages chorégraphiques, apportent une belle dimension sensorielle mais on en aurait voulu plus et vraiment habité pour me sentir vibrer. Le choix de la musique en live et sur scène, apporte un plus de sincérité. Ces instants de flamenco, trop rares, incarnent à eux seuls toute la rage, la souffrance et la grâce de Dolores. Ils devraient être le cœur battant du spectacle et leur rareté laisse un léger goût de frustration.

La cohésion entre les disciplines que cela soit le jeu, le chant et la danse, crée une atmosphère complète pour nous raconter l’aventure de ces jumeaux juifs pendant la seconde guerre mondiale et artiste. Les interprètes se complètent avec une grande harmonie, leur générosité compensant quelques inégalités de rythme. La musique, omniprésente, agit comme un fil émotionnel, reliant les scènes entre elles et donnant une unité à l’ensemble. On sent le soin porté au détail, la volonté d’un théâtre sincère, proche du spectateur. L’émotion circule, doucement, sans excès ni trompette. Le spectacle, à défaut d’être parfait, atteint une vérité simple, celle d’un frère qui a vécu debout, d’un homme qui cherche à la faire exister encore sa jumelle et leur art en duo. Tuer des nazis a permis de soigner ces blessures trop profondes pour s’effacer.

Un spectacle sensible et maîtrisé, qui touche par la sincérité de son propos sans toujours parvenir à en déployer toute la puissance. On en ressort presque ému, admiratif du travail scénique et du mélange des arts, même si l’on aurait souhaité plus de souffle et de fièvre dans la danse. Une proposition sobre et juste, portée par une belle humanité, qui laisse derrière elle une envie folle d’en savoir plus sur cette histoire vraie singulière.

Où voir le spectacle? 
Au théâtre actuel La Bruyère jusqu’au 26 avril 2026

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