Julien Lestel livre avec sa Carmen une adaptation contemporaine pleine de bonnes intentions. Entre puissance féministe affichée et fragilités de mise en scène, le spectacle peine à trouver son véritable souffle. Reste une proposition courageuse qui séduit autant qu’elle désarçonne.

En transposant Carmen dans notre monde actuel, Julien Lestel s’attaque à un mythe avec fougue et ambition. La volonté de porter un message féministe clair est palpable et la Carmen incarnée par Mara Whittington très présente avec un costume particulier. Pourtant, on reste loin d’une véritable incarnation, comme celle que l’on pourrait attendre sur une scène d’opéra. Certains danseurs sortent du lot par une danse énergique, fière et viscérale, insufflant au spectacle du relief, entre tableaux puissants et séquences parfois trop étirées.

L’ensemble pâtit d’un manque d’homogénéité avec la narration hachée, la mise en scène pesante et l’alternance entre les styles chorégraphiques donnant davantage l’impression d’un collage que d’un véritable métissage. La subtilité du propos féministe se heurte à certaines maladresses d’exécution. Les personnages masculins, notamment, sombrent souvent dans la caricature, fragilisant ainsi la portée critique du spectacle. Difficile aussi de saisir le sens de cette goutte d’eau tombant régulièrement au fond de la scène, perturbant l’attention au lieu de nourrir le propos.

Musicalement, si l’idée d’un dialogue entre Bizet et une création électro-acoustique est séduisante sur le papier, le résultat reste inégal, oscillant entre l’illustratif et l’accessoire. De même, le contraste entre des costumes classiques et une ambition contemporaine renforce une sensation de flottement esthétique. Cette Carmen, traversée de fulgurances, hésite pourtant sans cesse entre révolution et respect de la tradition, entre radicalité et compromis. On en ressort, au final, sceptique et partagé.

Julien Lestel signe un spectacle courageux mais inabouti. Quelques scènes marquantes sauvent une construction générale trop flottante. Un spectacle sincère laissant un goût d’inachevé.

Où voir le spectacle? 
Au théâtre libre jusqu’au 20 avril 2025

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