Bienvenue, dans un monde ultra-connecté où la transparence devient une arme et la vérité, une illusion. Sur scène, les mots fusent, les images s’entrechoquent et les idées s’accumulent à un rythme effréné. Nous sommes happés dans une spirale où se mêlent politique, technologie et perte de repères collectifs.

Big Mother propose une réflexion ambitieuse sur nos sociétés modernes obsédées par la surveillance, la data et la manipulation de masse. À travers une écriture nerveuse, la pièce évoque la montée des extrêmes, la désinformation et la confusion entre liberté et contrôle. On pense à une série d’anticipation, dense et haletante, où les personnages incarnent tour à tour les rouages d’un système qui s’auto-dévore. Le propos, intelligent et stimulant, nous pousse à questionner notre rapport à l’information et ce à quoi/qui on fait confiance. Pourtant, cette profusion d’idées finit parfois par étouffer l’émotion. On admire plus qu’on ne ressent. Le discours politique, souvent brillant, se heurte à la surcharge narrative et on peine parfois à suivre les multiples pistes ouvertes. On n’a pas le temps de tout digérer et de s’approprier les éléments importants. L’énergie et la conviction des comédiens, maintiennent une tension constante. Le rythme, proche de celui d’un thriller, impressionne par sa maîtrise et son intensité. La scénographie, moderne et percutante, se fait aussi grâce à l’usage assez ingénieux des écrans, créant une ambiance immersive.

Ce spectacle interpelle par sa lucidité et sa résonance avec notre époque. Peut-on vraiment être déconnecté des réseaux sociaux et du numérique? Est-ce possible à l’heure de la dématérialisation? Il aborde des sujets brûlants tels l’exploitation des données, le populisme numérique, la désinformation organisée, l’hypocrisie des politiques, la manipulation des médias…  avec une audace certaine. On sent une volonté sincère de bousculer les consciences, d’alerter sans moralisme. Certains moments d’humour viennent alléger la tension, révélant la folie douce d’un monde où tout devient spectacle. La force du propos réside dans cette capacité à traduire la complexité du réel en fiction politique. Néanmoins, à trop vouloir tout dire, le récit perd parfois sa clarté et son impact émotionnel. On sort admiratif de la construction, mais un peu frustré de ne pas avoir été davantage touché. Big Mother reste un objet théâtral atypique, à la croisée de la performance, du manifeste et du pamphlet, qui ne laisse personne indifférent. Et qui donne envie d’en savoir plus pour rester anonyme en ligne.

Une pièce foisonnante, inventive et nécessaire, même si elle manque parfois de respiration. Un théâtre d’idées qui stimule autant qu’il désarçonne. Une proposition engagée, percutante et audacieuse, à saluer pour son ambition et son énergie.

Où voir le spectacle? 
Au théâtre des béliers parisiens depuis le 07 février 2023

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