Nina est une performance hybride où théâtre, musique et technologie s’entrelacent. Sur la scène du Théâtre 14, Claron McFadden donne corps et voix à la légendaire chanteuse de jazz et militante des droits civiques, Nina Simone. Une évocation sensible et audacieuse, portée par une mise en scène épurée et un dispositif technique original.
Dès l’ouverture, l’esthétique épurée nous étonne. Pas de projections ni de décors envahissants : un autopiano, quelques micros, des jeux de lumière subtils et la voix de Claron McFadden suffisent à structurer la scène. La soprane, munie d’écouteurs, chante et danse, convoquant l’esprit de Nina Simone à travers ses interprétations d’emblématiques morceaux comme Mississippi Goddam, I Put A Spell On You ou encore Lilac Wine. Ce dépouillement scénique, combiné au travail sonore de Damiano Meacci, crée une atmosphère intimiste et mystérieuse, comme suspendue dans le temps.
Claron McFadden incarne Nina Simone avec un talent remarquable lors du concert au Montreux Jazz Festival en 1976. Sa voix, tour à tour puissante et fragile, rend hommage aux nuances émotionnelles de l’artiste. Cependant, le dispositif avec une bande son à côté limite la liberté d’interprétation et l’appréciation de la prestation. Parfois, la partie musicale prend le dessus, c’est dommage. On est moins dans l’immersion de ce moment atypique.
Chiara Lagani, en charge de la dramaturgie, s’appuie sur une sélection de chansons et de fragments d’entretiens pour évoquer la vie et les luttes de Nina Simone. Bien que ces éléments permettent de brosser un portrait de l’artiste engagée dans la défense des droits civiques, l’enchaînement de scènes manque parfois de cohérence. L’immersion se fait moins. L’œuvre oscille entre récital et théâtre sans jamais atteindre une synthèse fluide, laissant parfois le spectateur à distance de l’intensité émotionnelle. Les sentiments peinent à traverser l’utilisation technologique, privant la représentation de la chaleur humaine et de la profondeur qu’on attend d’un tel hommage.
Entre prouesse technique et distance émotionnelle, Nina offre un hommage intrigant à une artiste incontournable. Si la performance de Claron McFadden impressionne, le spectacle peine à transmettre toute la profondeur et l’âme de Nina Simone. Une expérience esthétique qui ravira les amateurs de performances expérimentales, mais pourrait laisser les autres sur leur faim.