On s’interroge sur l’ADN de Neandertal. Connaître le passé est-il essentiel pour écrire le futur ? Une approche qui divise, mais qui intrigue.
L’aventure débute dans une ambiance mystérieuse. Plongés dans l’obscurité totale, nous découvrons un monde frappé par une catastrophe nucléaire. Les survivants se regroupent dans des espaces confinés et dans l’un d’eux, deux scientifiques échangent sur leurs peurs face à cette situation incertaine. Peu à peu, leur conversation se déplace vers un terrain familier : la science. À la lumière vacillante d’un briquet, un lien singulier se tisse entre eux.
Pour comprendre, nous sommes transportés dans le passé, au symposium de biologie moléculaire de l’université de Berkeley, en avril 1986. Deux chercheurs vulgarisent leur travail sur l’ADN et impliquent le public dans leurs démonstrations. « Avant vous, il y avait qui ? » questionnent-ils. Ils imagent leurs propos avec des analogies percutantes, explorant le départ d’un spectateur ou l’impact d’une rupture comme métaphore du fonctionnement de l’ADN. Ce jeu pédagogique, habilement mené par des comédiens talentueux, rend la science accessible et captivante, suscitant même l’envie d’assister à de telles actions de médiation scientifique dans la réalité.
Les choses se complexifient lorsque l’ADN devient une matière éphémère. Un chercheur, croyant avoir isolé un ADN égyptien ancien, réalise qu’il a en réalité analysé le sien par erreur. « On va faire parler le silence », annonce-t-il alors, ouvrant la porte à des réflexions plus politiques. La question des conflits à Jérusalem prend une place prépondérante, entrecoupée de documents historiques, ancrant la fiction dans la réalité. Si cette immersion dans des problématiques contemporaines comme le conflit israelo-palestinien est audacieuse, elle alourdit un spectacle qui dure presque trois heures. L’affirmation « celui qui contrôle le passé contrôle le futur » semble juste, mais la manière dont elle est proposé soulève des interrogations sur sa pertinence.
En filigrane, le spectacle explore des thèmes universels : la transmission, la tradition et l’écriture de l’Histoire. L’ADN pourrait-il être une réponse aux questions sur les origines et la légitimité culturelle ? On assiste à des scènes touchantes comme cette femme tentant de redonner un nom aux cadavres d’une guerre sanguinaire pour reconnecter les familles avec leur passé. Enfin, la boucle est bouclée : on revient à Neandertal et à cette question fondamentale, « Pourquoi n’avons-nous pas disparu ? » Le spectacle pousse à réfléchir sur la fabrication des origines et la quête d’un récit commun.
David Geselson s’inspire du livre Néandertal : à la recherche des génomes perdus de Svante Pääbo, généticien suédois et Prix Nobel 2022. Avec cette quatrième pièce, il ne se limite pas à la recherche scientifique mais s’attarde également sur les fragilités humaines. Sa mise en scène et la scénographie signée Lisa Navarro, déploient un trésor de propositions ingénieuses : un sol recouvert de terre, un laboratoire qui se construit en direct, une laborantine, Marine Dillard, manipulant du sable avec une précision hypnotisante. Le tout est sublimé par le violoncelle de Jérémie Arcache, apportant une gravité poignante. Les comédiens (David Geselson, Adeline Guillot, Marina Keltchewsky, Laure Mathis, Elios Noël et Dirk Roofthooft) incarnent leurs personnages avec une intensité rare. Adeline Guillot bouleverse notamment dans une scène finale où la folie la consume, tandis que sa partenaire lui chante une chanson d’amour. À l’issue de cette fresque dense et ambitieuse, les applaudissements éclatent pour saluer l’extraordinaire travail des artistes. On repart avec de nombreuses interrogations sur l’ADN, nos origines et le récit collectif de l’humanité.
Une quête touchante, qui soulève des questions essentielles sur l’origine de l’homme et son humanité. Au final, que révèlent nos silences et comment les interpréter ?
Où voir le spectacle?
6 au 16 février 2025 au Théâtre du Rond-Point, Paris
19 au 21 février 2025 à la MC2 Grenoble
20 au 26 mars 2025 au ThéâtredelaCité – Toulouse