Le théâtre de Poche permet depuis plusieurs années à Judith Magre d’occuper la scène. Les passionnés restent fidèles aux rendez-vous avec cette vieille dame du théâtre. Mais parfois, il faut savoir quand raccrocher les gants.

Judith Magre est née en 1926 ce qui lui fait l’âge très vénérable de 97 ans. Elle a commencé son travail de comédienne à l’âge de 21 ans. Elle a eu une vie tumultueuse et pleine de rebondissements. C’est sur elle qu’elle devrait faire une pièce car elle n’est pas arrivée là par hasard et sans faire du charme. On pourrait croire qu’elle rêve de mourir sur scène. Cette idée est plus séduisante qu’à son âge, elle doive encore jouer pour avoir un confort de vie respectable. Par conséquent, il est tout à fait normal que sa vigueur et son énergie ne soient plus vraiment présentes sur scène. Cela fait un moment que son jeu n’est plus celui d’une jeune dame qui incarnent des forces vives.

Pour quelques représentations, elle clame sur un tome monotone, des extraits des pièces phares de Jean Racine. A ces côtés, un ami, Olivier Barrot (76 ans), journaliste et animateur télé, donne des informations complémentaires sur la vie et la production du poète dramaturge. Il propose des éclairages sur les pièces, leur financement, ses relations… On assiste à un forme d’atelier pédagogique qui a beaucoup d’atout. Mais on aurait aimé vibrer avec force, peur, crainte et passion à travers les mots de Titus, de Phèdre ou d’Hermione comme on a pu le faire à la Comédie Française par exemple. Là, on attend juste que la grande dame finisse sa prestation avec le texte sous les yeux pour poursuivre l’aventure. Toutefois, nous n’irons pas jusqu’à la mort de l’auteur maudit car le temps est passé. Même pas de phrase de fin pour clôturer le sujet, qui était normalement JR.

JR a perdu tôt sa famille et est élevé par de nombreuses femmes. C’est ça qu’il lui permet de développer une forme de psychologie féminine. Les femmes restent au coeur de ses pièces même si elles sont des traîtresses, des manipulatrices, des séductrices… Son objectif de vie repose sur la reconnaissance surtout par le roi. Il use de courriers avec flagornerie éhontée à Louis 14 et ça va payer. Son premier succès était « Andromaque » ce qui lui a permis d’avoir de l’argent du souverain. Le spectacle suivant, une comédie, « Les Plaideurs » ne fonctionne plus du tout et a été oublié de nos jours. Il s’attelle à une nouvelle création dans le monde romain avec « Britannicus ». On y découvre une femme brillante et intelligente, Agrippine, Elle a placé son fils, Néron, au pouvoir et s’est débarrassé de son époux, Claude. Le succès n’est pas au rendez-vous. Cette approche cynique et les enjeux politiques importants ne plaisent pas du tout au roi. Cela lui rappelle trop son travail.

Très contrarié, JR s’essaie à un autre genre avec « Bérénice ». Pour avoir de quoi le financer, l’auteur dédit sa pièce à Colbert, le maître des finances. Mais ce qui l’intéresse c’est le concours lancé par Henriette d’Angleterre, fille du roi Charles Ier d’Angleterre et d’Écosse et de la reine Henriette Marie de France. Elle donnera une somme très importante au gagnant. Racine avec l’hôtel de Bourgogne affronte Corneille avec Molière. Le verdict est sans appel, JR gagne. Et tout ça, sans mort, sans crime, sans sang et sans complot. « J’ai voulu faire quelque chose à partir de rien ». Le roi en a pleuré tellement qu’il a été touché.

Puis il propose « Bajazet » qui ressemble assez à Iznogoud qui se déroule à Constantinople. On retrouve l’idée de complot, d’une femme prête à tout pour le pouvoir et la religion. On enchaîne avec « Phédre ». Thésée est annoncé mort et Phédre décide de coucher avec son fils, Hippolyte. Seulement, c’est un gros bide. Des jalousies restent omniprésente avec Pradon qui fera le nécessaire pour nuire au succès. L’égo de JR est touché et décide de ne plus écrire. Le roi lui donne le poste d’historiographe officiel avec son ami Boileau. Quelques années plus tard, grâce à Mme de Maintenon, il écrit « Athalie » et « Esther », des pièces très religieuses jouées par des élèves d’une école catholique de filles riches. Un homme d’une grande intelligence, qui a su s’adapter aux circonstances pour gagner de la popularité et le coeur des femmes.

Un spectacle qui nous permet de mieux connaître Racine mais pas de mieux connaître son théâtre.

Où voir le spectacle? 
Au théâtre de Poche-Montparnasse jusqu’au lundi 4 novembre à 19h00
75 boulevard du Montparnasse
75006 PARIS

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