On entend souvent que la femme devrait être contente car elle l’égale de l’homme dorénavant. Il faut être bien naïf ou misogyne pour croire de telles inepties. En 2023, la Femme a t’elle vraiment le droit de disposer de son corps?
« Interruption » n’évoque pas forcément l’IVG. Il a l’intérêt de titiller le spectateur. Car oui, l’avortement n’est pas qu’une question de femme. Les messieurs présents dans la salle le prouve. Car encore nos jours, on ne peut pas faire de bébé toute seule. Néanmoins, c’est la parole des femmes que l’on va entendre. Eva, incarnée par Pascale Arbillot, réalise un ouvrage qui se composera de témoignages d’individus ayant avortés. Elle demande aux copines et à leurs proches de venir raconter leur histoire pour avoir de la matière. Elle ne s’attendait pas à en avoir autant et si différent. Il n’y a pas une seul vécu identique. Ces récits fragmentaires recueillis par Sandra Vizzavona qui en tiré un livre.
Hannah Levin Seiderman valorise ses différents profils, ces narrations de vie à travers sa mise en scène ingénieuse. Elle propose une multitude de support de témoignages : comédienne face public, vidéo, enregistrement sonore, lecture de texte… Il y a autant de récits que d’individu et donc de moyen de mettre en lumière. C’est très délicat et ingénieux. Surtout que cela est amené avec beaucoup d’ingéniosité. Pascale Arbillot est le fil rouge qui donne à entendre. Avec une simplicité et une authenticité, on est touché par son jeu. Elle y met son coeur et sa sensibilité dans son personnage. Tout comme Sanda Codreanu et Kenza Lagnaoui qui malgré une présence très brève, illuminent la scène par leur douceur, leur candeur et leur éclat.
Impossible de rester impassible. Certains témoignages touchent plus que d’autres. Des têtes se hochent, des brefs mots sortent ponctuellement « c’est bien vrai ça » et des larmes coulent. Quand tout ce termine, un silence partagé de fait entendre. Il faut un petit temps pour récupérer de cette claque théâtrale. Puis le flot d’applaudissements perdure. Pouvait-il en être autrement? Les artistes ont réalisé un vrai travail d’orfèvre avec un sujet sensible, voir tabou. Ici jamais de jugement, de regard méchant, on n’est pas au spectacle pour flatter les intolérants. On sort avec une bouffée d’espoir et de courage car la vie, surtout pour les femmes, est un long combat. Les droits c’est bien. Mais cela n’engage pas les professionnels de santé de bien faire leur boulot, ni les politiques, ni les bien-pensants de semer la haine et la discorde. Alors parlons, disons, diffusons, écoutons avec bienveillance… La parole doit se diffuser pour changer demain et avoir le droit de disposer librement de son corps, de son libre-arbitre et de son esprit critique.
Un spectacle audacieux et original qui ose mettre des mots sur l’avortement. Un acte, un choix et le fait de continuer d’exister comme individu à part entière.
Où voir le spectacle?
Théâtre Antoine à partir du 18 septembre 2023