Parfois quand on trouve une plante, il faut bien réfléchir avant de la mettre chez soi. Petite, elle est mignonne mais grande elle peut devenir carnivore. Avant de vous décidez, rien de tel que la visite chez un fleuriste.

Tout commence en 1960 aux Etats-Unis dans un film de Roger Corman. Une comédie d’horreur qui inspire Howard Ashman au scénario et Alan Menken à la musique. Ils donnent naissance à la comédie musicale « Little Shop of Horrors » qui rencontre un grand succès à Broadway pendant 5 ans. Pourquoi ce spectacle original ne traverserait-il pas l’Atlantique? Pour y donner vie pour faire rire un public français, il faut des gens talentueux. Quand on voit que la mise en scène est réalisée par Valérie Lesort et Christian Hecq, on sait que l’on peut y aller les yeux fermés. Après l’extraordinaire « 20 000 lieues sous les mers » à la Comédie Française, le fabuleux « Voyage de Gulliver », comment ne pas avoir envie de retrouver le merveilleux, le mirifique et le prodigieux travail de ces artistes de génie? Et il faut dire que l’émerveillement fonctionne dès les premières minutes. Il ne pourrait en être autrement. On apprécie toujours de retrouver les illusions visuels, les jeux d’ombres et de lumières, les marionnettes, les chausse-trappes…

Seymour (Marc Mauillon) est malmené par son employeur, M. Mushnik (Lionel Peintre), depuis plusieurs années. Qu’importe pour lui car il y a deux amours. D’un côté une étrange plante exotique qu’il fait pousser et de l’autre, sa collègue si charmante, Audrey (Judith Fa), qui a un penchant pour les mauvais garçons. La plante grandit et prend de plus en plus de place. Son régime alimentaire est des plus surprenants. Elle adore le sang et le goût de la viande humaine. Mais comment pouvoir gérer son besoin insatiable de manger? Est-ce une réponse à des problèmes écologiques?  En parallèle, la jeune bimbo accepte de se faire frapper par son petit ami. Elle doit bien le mériter. Le jeune Seymour n’est pas de son avis. En réglant ce problème, il pourra faire une pierre deux coups. Sa plante sera rassasiée et le cœur de sa belle serait à ravir. N’est-ce pas aussi le début des ennuis?

Une histoire drôle et horrible à la fois qui conquière tous les spectateurs qu’importe leur âge. Le tout en chanson bien entendu, nous sommes dans une comédie musicale. La mise en scène simple avec une boutique au coin d’une rue dans un ghetto new-yorkais est un espace d’une grande ingéniosité. On voit des feux qui changent de couleur comme sur les grandes avenues aux Etats-Unis. Les lumières de Pascal Laajili contribuent grandement à la folie des situations grotesques. La boutique du fleuriste permet de voir l’évolution singulière de la plante. On est autant admiratif  du travail du manipulateur, Sami Adjali, qui donne du mouvement, que du chanteur, Daniel Njo Lobé, qui l’a fait vivre que de l’aspect réalisé par la plasticienne Carole Allemand. Même quand vous êtes dans le poulailler vous vous pouvez bien voir, chose assez rare pour être souligné.

On rit autour que l’on sourit. Damien Bigourdan nous donne une autre vision du dentiste traditionnel. C’est le petit copain violent, psychopathe sur les bords, avec une grosse banane proéminente ayant une forte addiction au protoxyde d’azote. La référence à Elvis, avec ces déhanchés sexy, n’est pas innocente. Le spectateur admire la prestation aussi bien physique que vocal de l’artiste. Ce n’est pas facile de faire rire surtout quand c’est totalement absurde et loufoque. Les décors d’Audrey Vuong sont époustouflants de savoir-faire et d’imagination. Les costumes ne sont pas en reste. Le dentiste porte une tenue très moulante bordeaux, Seymour un élégant costume vert pomme et les trio de brillantes chanteuses, Crystal (Sofia Mountassir), Chiffon (Laura Nanou) et Ronnette (Anissa Brahmi) des robes sémillantes et insolites. Notre oeil frémit de plaisir à observer tant d’audace créative comme il est bien trop rare d’en voir.

La réorchestration par le compositeur Arthur Lavandier afin d’augmenter le nombre d’instrumentistes et augmenter la présence des cordes est sublime. Quel travail de coopération prodigieux. Il y a de la désinvolture, du courage, de la bravoure, de l’innovation, de la hardiesse, du culot pour adapter une comédie musicale américaine d’un autre temps et en faire un spectacle aussi enivrant. Les 2h15 passe à une vitesse incroyable que l’on en oublie presque totalement l’inconfort des places. Il y aurait tellement de choses à dire encore qu’il faudrait prendre des heures pour parler de toutes les émotions ressenties. Donc on peut résumer à aller voir cette pépite incroyable qui vous fera des souvenirs pendant très longtemps.

Quand l’opéra rime avec humour et rigolade pourquoi ne pas tenter l’aventure? Surtout que l’émerveillement est garantie à 200%.

Où voir l’opéra? 
A l’Opéra Comique jusqu’au 25 décembre 2022

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