Les feux de la St Jean brulent en Mademoiselle Julie. Derrière cette innocence, ce cache une jeune femme en quête de liberté, prête à dépasser les frontières de la raison pour se perdre dans la folie. Que diriez-vous de la rencontrer?
« Mademoiselle Julie » écrit en 1889 est une source d’inspiration pour de nombreux metteurs en scène. Le dramaturge August Strindberg explore les tréfonds de l’âme humaine et de la société. Pour cette nouvelle adaptation, Julie Brochen décide de mettre en avant l’oeuvre naturaliste qui n’est pas sans rappeler les livres de Zola, Maupassant, Daudet… Ces auteurs français partagent comme l’auteur suédois une envie de dépeindre de manière la plus précise la réalité avec ses aspects immoraux. Bien entendu, les différences sociales sont évoquées permettant d’introduire des éléments psychologiques.
Mademoiselle Julie se mélange avec les employés de maison de son père, le soir de la St Jean. Plus tard, elle se rend dans une arrière cuisine où elle s’isole avec Jean, un valet. Elle joue avec lui de ses charmes. Des échanges mouvementés se créent entre eux, jeux d’amour et rapport de force. Une discussion qui évoque le statut de la femme qui n’a aucun droit, du rapport riche/pauvre maître/serviteur, du mal-être, des apparences…. L’aboutissement est l’assouvissement de la tentation. Une femme déflorée par un serviteur. Comment gérer cette situation ?
Julie Brochen choisit une mise en scène claire, efficace où les émotions affrontent la raison. Elle incarne d’ailleurs, Kristin, la cuisinière, cette figure moralisatrice et puritaine. Son mode de vie est dictée par la croyance. Même son habillement s’oppose à ceux des deux autres comédiens. Sa robe noire, recouvre son corps et est très austère. Jean/Xavier Legrand possède un costume classique et sobre qui incarne à merveille son rôle. Mademoiselle Julie/ Anna Mouglalis porte elle un ensemble jaune moutarde. Quand la société corsetée l’étouffera trop, elle déboutonne sa veste faisant apparaître le haut de sa tunique noire soyeuse et brodée. L’exubérance de cette jeune fille riche qui perd la raison s’illustre également par son changement de tenue qui ne correspond à style 19ème siècle. Elle m’évoque plus une tenue de Mylène Farmer. Botte montante, pantalon en cuir moulant et chemisier qui s’ouvre par l’arrière, voilà la seconde tenue dans laquelle s’illustre la folie. Un contraste noir et blanc qui peut évoquer l’opposition raison/sentiment.
Un contraste qui se trouve également dans le jeu. Anna Mouglalis à la voix grave a un comportement alambiquée et lunatique jouant à la fois l’ingénue, la capricieuse, la monstrueuse et l’égarée. Elle rêve de liberté qu’elle ne pourra jamais avoir. Impossible pour elle de se trouver. En face, on trouve le flamboyant Xavier Legrand, sérieux, droit, à la rhétorique pragmatique qui va céder à l’appel de la chaire. Ce comédien s’impose par la justesse de son ton, son charisme et sa sensibilité. Il incarne la colère d’une classe sociale rabrouée, l’ambition de changer de vie et l’utopie d’un monde plus juste demain. Mais peut-il vraiment s’affranchir des carcans qu’on lui a enseignés ? Un doute et un espoir joués avec une grande intensité, captivant le spectateur d’un bout à l’autre de la pièce.
N’hésitez pas à partir à la rencontre de cette jeune femme prise dans des pulsions contradictoires qui vont la perdre dans les méandres de la folie. Une critique sociale dure et acre d’une société face à ces contradictions.
Où voir le spectacle?
Théâtre de l’Atelier
1 place Charles Dullin
75018 Paris
Jusqu’au 30 juin 2019