Depuis 4 ans, Alphonse Cemin a décidé de faire revivre « Les lundis musicaux » initialement crées en 1977 par Pierre Bergé. A nouveau les talents de la scène lyrique viennent sur la scène de l’Athénée pour transcender la musique. Qu’avez-vous de prévu lundi prochain ?
Entre 1977 et 1989, Pierre Bergé accueille dans les murs du magnifique théâtre Athénée Louis Jouvet plus de 250 récitals. Les voix de Plàcido Domingo, Marilyn Horne, José van Dam, Teresa Berganza, Jessye Norman… ont su toucher les cœurs de très nombreux spectateurs. Depuis 2015, Alphonse Cemin a redonné vie à ces moments privilégiés. Toutefois, la musique s’ouvre à de nouveaux horizons avec la musique contemporaine. Des mélanges étonnants qui sauront surprendre aussi bien le spectateur aguerris que le néophyte.
Pour la première soirée, la soprano Julie Fuchs est accompagnée par son partenaire artistique, Alphonse Cemin. Un duo prometteur car Julie Fuchs est la figure montante de l’opéra grâce au velouté de sa voix. Les professionnels ont reconnu son talent, les récompenses en preuve : révélation classique de l’ADAMI (2009), prix Gabriel Dussurget du festival d’Aix-en-Provence (2011), révélation lyrique aux Victoires de la Musique classique (2012), deuxième prix du concours Operalia-Placido Domingo (2013), artistique lyrique de l’année aux Victoires de la Musique (2014)… Alphonse Cemin, le directeur artistique des « lundis musicaux » s’illustre par un parcours tout aussi riche de virtuosité. Il s’est produit en musique de chambre avec des personnalités telles qu’Emmanuel Pahud, Paul Meyer, Olivier Charlier, le quatuor Modigliani, Fanny Clamagirand et a joué sous la direction de Pierre Boulez (Pierrot Lunaire), Peter Eötvös, David Robertson. En 2010, il est l’heureux lauréat HSBC de l’académie du festival d’Aix-en-Provence.
Pour ce premier duo pour « Les lundis musicaux », le programme se montre audacieux et étonnant. La première partie se consacre à des chansons en français. La première interprétation est celle de « Une petite cantate » de Barbara. La singularité est affichée, l’opéra va à la rencontre des autres cultures musicales. Une façon également la richesse du répertoire de Julie Fuchs qui a participé à disque d’hommage à Barbara. La diversité se poursuit avec des airs de Claude Debussy sur des poèmes de Paul Verlaine avec « C’est l’extase langoureuse, Il pleure dans mon cœur, L’ombre des arbres, Paysages belges : Chevaux de bois, Aquarelles 1 : Green et Aquarelle 2 : Spleen. Puis un élan de douceur complété de mélancolie avec « Regrets » de Stéphane Mallarmé, « La Romance d’Ariel » de Paul Bourget et « Apparition » de Stéphane Mallarmé. La première partie se termine par trois poèmes de Louise de Vilmorin sur la musique de Poulenc. Une musique qu’Alphonse Cemin travaillait avec Julie Fuchs à l’époque du CNSM dans la classe de Jeff Cohen. L’impétuosité de la chanteuse s’affiche dans ces chansons osées pour l’époque qui évoque le plaisir féminin ou la séduction des hommes. Et le plaisir de la soprano se voit grâce à son regard coquin, plein de sous-entendu. Un tempérament qui sait s’imposer et qui plaît.
Après une courte pause, le spectacle reprend avec des chansons qu’en anglais. Le premier titre est un poème de E. E.Cummings mise en musique par Bjök pour son album Vespertine. « The sun in my mouth » étonne par l’alternance de sons et de paroles. Nous sommes plongés dans un univers étrange revisité avec une voix de soprano. Un défi que relève haut la main Julie Fuchs qui a participé en 2000 à une tournée en Europe sur un projet de la compositrice islandaise. La poésie se poursuit avec des poèmes des Walt Whitman par Georges Crumb avec « I. The night in silence under many a star », « Vocalise 1 : Summer sounds », « II. When Lilacs last in the dooryard bloom’d », « III. Dark mother always gliding near with soft feet », « IV. Approach strong deliveress ! », « Vocalise 3 : Death Carol (« Song of the Nightbird) », « V. Come lovely and soothing death » et « VI. The night in silence under many a star ». Et pour conclure, on prend un virage à 380° pour s’immerger dans le jazz de Cole Porter avec « Use your imagination » et « Sing ti me guitar ». Une découverte pour moi d’entendre une voix soprano sur une rythmique jazz. Ce qui est certain c’est que je ne vais oublier de sitôt cette prestation musicale qui a su piquer ma curiosité.
Une magnifique soirée où la complicité sincère des deux artistes se fait ressentir. Un coup d’œil et ils se comprennent. La musique vous entraîne vers des ailleurs plein de fantaisie, de charme et d’humour. Vous savez maintenant où aller pour enchanter vos lundis soirs.