Croire n’est pas détenir une vérité. Il faut douter, se poser des questions et partager. Mais parfois faire ces choix impliquent de risquer de perdre sa liberté. Faut-il alors renoncer?
C’est dans une ambiance feutrée que l’on pénètre dans la très belle salle de la Scala. Sur scène, on aperçoit un homme endormi sur un imposant bureau. Un espace de travail à la hauteur de ce scientifique. Entre les discrètes raies de lumière, apparaissent livres, crayons et objets divers. Rien de plus n’est nécessaire. L’homme aux paupières fermées n’est d’autre que Galileo Galilei dit Galilée. L’astronome, physicien, mathématicien du 18ème siècle vit dans un certain dénuement. Ce qui lui importait le plus est d’avoir assez d’argent pour mener ces recherches pour comprendre et s’interroger encore et encore. Le savoir du monde dépasse forcément les dogmes religieux. Une prise à partie qui bien entendu va lui créer bien des soucis. Chaque doute pousse sa réflexion toujours plus loin. Il prend plaisir à partager avec ceux qui comme lui développe un sens de la curiosité scientifique. Quand la science appartient à tous, on a moins le risque qu’elle soit utilisé à tort.
La terre n’est pas au centre de l’univers. La lune ne possède pas de lumière propre, elle est éclairée par le soleil comme la terre. Mais l’idée qui bouscule vraiment repose sur la terre qui tourne autour de l’astre solaire. D’autres chercheurs émettent la même hypothèse en Europe. Ce n’est pas suffisant pour en faire une vérité incontestable. N’oublions pas, cela fait à peine dix années que Giordano Bruno a été brûlé à Rome pour avoir soutenu l’idée d’un univers infini et sans centre, sur la base des travaux de Copernic. Pour Galilée le pouvoir religieux a changé depuis, il y a des scientifiques maintenant et la lunette prouve ses dires. Mais une chose reste inéluctable, où est la place de dieu dans ce monde? Par conséquent, le pouvoir du dogme conserve ce qui a un intérêt économique comme les cartes de navigation basée sur les étoiles et condamne l’astronome. Galilée va devoir choisir entre deux options : la vie et le reniement de ses recherches ou la mort et son nom inscrit comme martyre de la connaissance. Il prendra le premier choix et perd l’estime des siens. Du moins, jusqu’à ce qu’il recopie en secret ses « Discori » qu’un disciple fera imprimé en Europe. On croira que c’est le pouvoir religieux lui-même à l’origine de la fuite. Un malin opportuniste jusqu’à la fin de sa vie, du moins à travers le regard de Bertolt Brecht.
L’auteur a fuit la montée du nazisme puis le maccarthysme aux Etats-Unis pour revenir dans son pays d’origine, l’Allemagne. Pendant ces années, il retravaille cette pièce jusqu’à son décès le 14 août 1956. Un texte dense qui s’étend sur une très longue période. Pour valoriser ce travail, il faut une metteure en scène très ingénieuse et un comédien brillant capable de tenir un rôle complexe pendant presque trois heures. Claudia Stavisky relève le défi de façon astucieuse et inventive. Peu de mobilier, assez sobre, qui est déplacé en clin d’oeil et réutilisé selon les contextes. Pas besoin d’avoir trop de choses et des décors imposants pour emporter dans l’espace temps. Un jeux malin avec des projections qui nous permettent aussi bien de voir les étoiles, la mer ou de faire entrer la lumière par la fenêtre et de nous mettre les informations temporels. Les jeux de lumières à la fois discrets et bien dosés contribue à l’osmose. Un très jolie travail de Franck Thevenon. Rien n’est laissé au hasard pour faire que le spectateur reste captif et captivé. Même les costumes crées par Lili Kandaka, avec une fausse sobriété et un mélange de génération des formes et textures, est adroite. Une façon élégante de montrer l’intemporalité du récit. J’ai beaucoup aimé la veste de Galilée qui varie de teintes selon les lumières. Ce n’est que quand les comédiens saluent que l’on voit vraiment cette veste longue dans le détail. On se surprend des nuances qui se montrent.
Le personnage central, Galilée est incarné par le très talentueux Philippe Torreton. Comme à son habitude, il trouve toujours le juste ton, la subtilité et l’intensité pour donner vie à son personnage. Aussitôt qu’il plonge son regard vers nous, il n’est plus un homme ordinaire. Il est le scientifique et ce pendant tout le temps de la représentation. Une équipe de dix comédiens va l’accompagner dans l’interprétation des quarante-trois rôles. Une petite préférence pour Nanou Garcia, jouant madame Sarti avec beaucoup de sensibilité et de fermeté. Et bien entendu, Benjamin Jungers, ancien pensionnaire de la Comédie Française qui trouve le juste équilibre émotionnel pour chacun de ses personnages. Un vrai plaisir de le retrouver au théâtre dans un rôle à sa hauteur surtout dans André adulte. Matthias Distefano, joue lui André enfant. L’ensemble est cohérent grâce à l’investissement sincère de chacun.
Une oeuvre qui nous emporte au coeur de réflexions toujours contemporaines. Vous sentez-vous prêt à remettre en cause vos certitudes?
Où voir le spectacle?
La Scala
13 boulevard de Strasbourg
75010 Paris
Métro : Strasbourg St Denis
Jusqu’au 9 octobre 2019