© Jean-Louis Fernandez

Le marchand de sable tapit dans son sous-sol, fabrique l’espoir d’une population à la dérive. En haut d’une tour, il conserve le plus précieux de ces trésors. Mais un jour un prince viendra et il l’emmènera.

Pour sa deuxième pièce, Pauline Haudepin s’inspire très librement du conte populaire allemand des frères Grimm : Raiponce. Laissez de côté tout l’imaginaire Disney qui vous vient à l’esprit. Il faut se laisser porter dans ce monde où l’on ne voit que les vestiges d’une utopie urbaine qui s’est écroulée. Nous sommes au cœur d’une décharge où ruines, gravats, sable se voient à perte de vue. Dans cet espace riche d’espoirs déçus, vivent des gens hagards. Le marchand de sable vit dans son sous-sol aménagé. Il possède un savoir-faire que beaucoup lui envie. De cette plante sauvage, la raiponce, il arrive à un extraire une drogue qui permet le temps d’un instant de se sentir bien et de fuir la triste réalité. Un jour, Shéhérazade arrive chez lui et lui réclame de cet hallucinogène. Les autres refusent de la payer pour du sexe vue qu’elle est enceinte. Il lui propose alors un échange, une grande quantité de raiponce contre son enfant. Quand la tractation eut finit, mister Sandman enferme la magnifique Raiponce en haut d’une tour. C’est travesti en femme qu’il lui rend visite, la nourrit, lui parle. La douce enfant entend des voix et leur répond. Parfois, il lui vient l’idée de rêver du dehors qui doit être si vert. Attiré par une force inconnue, Lazslo, jeune pyromane arrive dans ce lieu et sympathise avec le marchand de sable. Il cherche quelque chose qu’il ne sait nommer. Et il va trouver le passage menant à Raiponce, le chemin vers son cœur et ces réponses. Toutefois, il s’est approché trop près du trésor du marchand de sable. Pour la peine, ce dernier lui jette un liquide sur les yeux et il en perd la vue. Mais l’Amour va le guider vers la belle demoiselle et ensemble, ils vont écrire une nouvelle histoire pleine de fantaisie et de folie.

© Jean-Louis Fernandez

La mise en scène de Pauline Haudepin et la scénographie de Solène Fourt et Salma Bordes sont incroyables. Elles ont construit une histoire dans un univers cyberpunk, où le monde de Blade Runner rencontre celui d’Enki Bilal. Le visuel ne pouvait qu’être détonnant dans sa singularité. En plus, les murs en brique de la salle se fonde à merveille avec les structures métalliques apparentes, les parpaings, les tiges en fer… Les costumes simples de Solène Fourt s’amalgament à l’ensemble. Dans ce monde terne deux couleurs sortent du lot : le bleu et le rouge. Avec ce bleu que l’on voit dans les yeux et sur les lèvres, on s’attend presque à l’arrivée de Jill Bioskop. Le rouge intense de la robe de Mister Sandman valorisé par le rouge à lèvre ainsi la veste de Shéhérazade montre le désespoir des êtres. Le tout forme un ensemble cohérent. Genséric Coléno-Demeulenaere, Marianne Deshayes, Paul Gaillard et Dea Liane évoluent avec osmose dans ce désenchantement. La metteure en scène les a fait participé afin qu’ils puissent s’approprier le plateau, rencontrer les personnages dans leur solitude. Et on ressent, nous le spectateur assis, cette fusion entre texte, scène et personnage. On se laisse guider dans les tréfonds dans cet entre-monde chaotique. Raiponce apporte ce décalage à la réalité et y insuffle une dose d’innocence et de poésie. Une douceur se dégage des gravats grâce à des moments comme lorsque Raiponce et Lazslo dansent pour s’imaginer une maison. La musique discrète se fait une compagne fidèle. Surtout avec la chanson bien triste, « Mister Sandman » de The Chordettes ayant pour refrain : « Mr. Sandman, bring me a dream ».

© Jean-Louis Fernandez

N’hésitez pas à partir sur « Les Terrains Vagues » rencontrer le temps d’une fable des indésirables héros marginaux qui tentent le rêve comme une drogue.

jusqu’au 11 décembre 2018

Théâtre de la Cité Internationale
17 boulevard Jourdan
75014 Paris

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