Entendez-vous au loin les grognements de la mer ? Elle réclame justice et vengeance. Robert Carsen va proposer dans une mise en scène très moderne, la dernière pièce de William Shakespeare, la Tempête. Le pardon sera-t-il accordé ?

Le rideau se lève et notre regard tombe sur un lit blanc où repose Prospero, en pyjama blanc entouré de murs blanc. On entend le bruit d’une machine surveillant les pulsations cardiaques. Puis nos oreilles vibrent cette voix si particulière et exceptionnel de Jean Vuillermoz. Un artiste qui restera à jamais dans mon cœur, Cyrano de Bergerac.

Il a été destitué 12 ans plus tôt de son duché de Milan par son frère. Il vit isolé avec sa fille, Miranda, sur une île où il a échoué suite à une tempête. Son cœur brûle de se venger de la trahison qu’il a subi. Aidé d’un esprit qu’il a délivré, Ariel, ils vont faire échouer ses ennemis sur son rivage et les mettre à sa merci. Un esprit sous les traits de l’excellent Christophe Montenez, de plus en plus, présent dans les pièces de la Comédie Française. C’est toujours un vrai plaisir de le retrouver. Il montre à chaque spectacle la richesse et la subtilité de son jeu.

Prospero est un magicien entouré d’Ariel et de Caliban, tous deux habillés de blanc également. Serions-nous enfermés dans un hôpital ? Un Caliban interprété avec une incroyable folie par Stéphane Varupenne. Quelle prestation ahurissante ! Plus je découvre ce comédien sur scène et plus il me surprend par son talent. Un ravissement de le retrouver à chaque fois.

Mais les naufragés arrivent tout de gris vêtu avec des valises à la main. Différents personnes arrivent à des endroits très précis de l’île. On va d’une part découvrir deux matelots alcooliques, Stéphano et Trinculo crasseux et pouilleux. Ce duo, Jérôme Pouly et Hervé Pierre, va jouer des scènes d’une incroyable bouffonnerie qui ne pourront qu’emporter le public vers un rire sincère. J’adore ces comédiens qui prouvent qu’au français, ils peuvent tout jouer et avec un savoir-faire incroyable.

Puis d’autre part, on va rencontrer les soldats, les militaires en tenu avec leurs médailles. Le frère Antonio, cruel, jaloux et calculateur est prêt à tout pour rester proche du pouvoir. La famille et les amis, ce n’est pas très important contrairement au pouvoir. Serge Bagdassarian lui donne ces traits. Quelle belle prestation de ce comédien au panel de personnages assez riche.

Photo : Vincent PONTET

La vengeance va se faire. Prospero va marier son attachante fille au fils de son ennemi, le beau Ferdinand. Le couple est incarné par Loïc Corbery et Georgia Scalliet,. Un couple qu’ils avaient déjà formé dans « Le Misanthrope ». Loïc Corbery incarne toujours avec aisance ce jeune et innocent amoureux. On les croit sincère en les regardant. Ils sont touchants. Et puis tout finira bien avec Prospero qui pardonne à tout le monde : « Vous, ma chair et mon sang ! vous, mon frère, qui avez choyé l’ambition, en repoussant le remords et la nature ; vous qui, d’accord avec Sébastien, que torturent en conséquence les morsures intérieures, avez voulu tuer votre roi… je te pardonne, si dénaturé que tu sois ! ». Il a calmé ces tempêtes intérieurs et peut maintenant aller en paix. « Nous sommes de l’étoffe dont les rêves sont faits et notre petite vie est nimbée de sommeil « .

Le texte a été adapté par Jean-Claude Carrière dans une langue classique, efficace et dynamique. Une traduction mise au service de Robert Carsen pour la mise en scène. Dans un bruit retentissant, il va faire tomber des centaines de bouteilles. Une façon de montrer l’importance des déchets qui polluent la mer. Mais aussi un moyen scénique incroyable qui demande aux comédiens un déplacement particulier qui génère un bruit. J’ai trouvé cela doublement malin. Mais cette mise en scène qui ne fait pas l’unanimité dans la presse. Certains la reproche trop froide et d’autres la trouve sublime pour sa simplicité.

Dès le lever de rideau on comprend que la mise en scène sera très moderne. Notre regard est guidé sur le fond de scène et les murs sont blancs. Une couleur idéale pour y faire des projections pour raconter l’histoire de Prospero avec les images de Will Duke ou créer un mirage. Ces murs blancs vont aussi permettre de créer de magnifiques ombres chinoises qui vont prendre des propensions gigantesques. Est-ce la petite part de magie qu’a concédé Robert Carsen ?

J’ai beaucoup aimé ce qui m’a été proposée. Il faut dire que les comédiens du français sont vraiment des artistes exceptionnels.

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