Le désespoir l’a poussé à tout abandonner. Fortunino alias Verdi a perdu ces enfants et sa femme. Est-ce qu’il serait maudit ? Faut-il alors qu’il abandonne son génie ? Un esprit va lui souffler à l’oreille que la créativité peut se révéler de la souffrance. Le phénix ne renaît pas de ces cendres ?
L’enfer au cœur de la création
Giuseppe Fortunino Francesco Verdi souffre de la perte des êtres chers qui l’entouraient. Des corneilles maléfiques le torture et renforce sa douleur. Il se refuse à de nouveau prendre la plume et créer. Jusqu’au jour où un être apparu chez lui et lui insuffla l’énergie créatrice. Il doit se servir de son mal être pour donner vie à ces personnages. Les corneilles vont lui donner des idées et se repaître de ce malheur imaginaire. Un nouveau style va faire son apparition sur les scènes et le rôle du baryton va tout changer. Verdi va mêler à ces histoires de la mélancolie et de la psychologique à ces personnages. Nabuchodonosor devient Nabucco. Un roi conduit à la folie pour avoir voulu dépasser sa condition. La première représentation est un véritable succès grandement applaudit par le public. Mais une ombre va obscurcir ces triomphes. Le baryton rentre de plus en plus dans la peau de ces sombres personnages surtout dans « Othello ». Le pacte mené avec les corneilles de l’enfer risque de se briser. Le seul moyen d’insuffler de l’espoir est de lui donner du rire. Comment faire à cause du pacte de sang signé ?
Une histoire servie avec imagination
Le début de la pièce surprend avec deux femmes tout de noir vêtues qui s’étirent en croassant. Des cris troublants de vérité. Mathilde Bernard et Anne Levallois incarnent avec brio les corneilles qui malmènent Fortunino. Un créateur magnifiquement interprété par Damien Boisseau (voix française de Matt Damon) qui lui donne de la folie dans le regard et de la passion dans les mots. Le texte de Sabine Roy qui a choisi de montrer un autre visage du génie qui a marqué son temps, prend vie. Une histoire faustienne mis en scène de façon simple et efficace par Sophie Chevalier. Un lit qui change de place par les corneilles. Un drap qui se plie qui sert de transition vers une autre scène. Même si ces dernières sont un peu abruptes, elles ont une logique dans la construction. J’ai beaucoup apprécié l’effet quand Verdi ouvre un rideau et la lumière apparaît tout en entendant un extrait de l’opéra. Un instant on pourrait se croire dans un recoin d’un opéra en Italie découvrant l’accueil du public lors de la première.
Des détails importants comme les références à Othello et Falstaff considérées comme les deux plus aboutis opéras de Verdi. Mais un génie n’est rien tout seul. Sébastien Fouillade joue un étrange visiteur, le « baryton verdien ». C’est lui qui va murmurer à l’oreille de Verdi que le génie sommeille en lui. Et doucement il va se matérialiser en chanteur. Il deviendra un ami proche. Le comédien avec juste un changement de coiffure sait donner un autre ton à sa verve ferme et délicate. Alain Péron n’est pas en reste avec son physique imposant et sa voix apaisante. Il sera Temistocle Solera et un ténor qui accepte de changer de rôle dans l’opéra. Un défi difficile à accepter toutefois le résultat est là. Il a su mettre le brin de sensibilité nécessaire à un personnage qui a dû mettre son égo de côté face au génie. Une très jolie prestation tout en justesse.
Cette fine équipe donne le meilleur d’eux-mêmes créant ainsi un spectacle plein de vigueur, de passion et de folie. Il est certain qu’en sortant de la représentation vous aurez des airs d’opéra en tête et que vous aurez envie de vous plonger dans l’œuvre d’un artiste hors du commun. Un génie renaît alors toujours de ces cendres même si ne sont qu’à travers la musique.
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