L’amour ça ne se commande pas. Alors quand Anna se marie et tombe amoureuse d’une autre personne, elle va devoir faire face à un dilemme. Un choix impossible qui va la mener vers un destin funeste.
Laetitia Gonzalbes auteure et metteure en scène, décide de créer une version assez singulière d’Anna Karénine. Un défi de taille car adapter un roman russe riche de descriptions est une pièce d’1h30 dans un petit espace se montrait difficile à relever. Pour donner plus de volume au récit, elle va également intégrer des références à Bel-Ami et Enragée ? de Guy de Maupassant et des poèmes et partitions de Jean Fournée. Mais grâce à une écriture précise, des comédiens investis et une mise en scène ingénieuse tout est possible. Ainsi notre jeune amoureuse prend vie et nous, les spectateurs, allons la suivre dans sa descente aux enfers.
Il faut prévenir le puriste, celui passionné par l’œuvre de Léon Tolstoï. Cette Anna Karénine est une libre adaptation du roman. Notre jeune écervelée ne tombe pas sous le charme du Comte Vronsky mais de Varinka, une femme passionnée, libre, au tempérament de feu qui ne rend de compte à aucun homme. C’est Alexi, le mari d’Anna qui les mettra en relation. Très vite un lien va se créer entre elles. Nous allons assister à une magnifique scène érotico-sensuelle entre Lise Laffont et Maroussia Henrich. C’est le moment de rupture car le secret va être découvert par un mari jaloux. Anna devra choisir entre son cœur et sa raison. Son cœur l’emportera mais sa raison va l’abandonner petit à petit. La folie va la gagner et la perdre.
Le choix qu’Anna aime une femme au lieu d’un homme ne change pas le message critique derrière. La société et les biens pensants jugent ceux qui ne choisissent pas le chemin dit classique. Alors ils sont persécutés, rejetés et parfois humiliés. Un texte qui raisonne toujours autant malheureusement à notre époque. Les quatre talentueux comédiens donnent fougue passion à cette histoire.
Maroussia Henrich interprète avec douceur et sensibilité cette femme libre qui sait aimer avec sincérité et raison. Son costume de saltimbanque lui un donne un mélange entre rebelle et force. Une tenue qui lui va à merveille. Lise Laffont, elle campe Anna, cette innocente enfant qui découvre le sexe le jour de son mariage. « Un viol légal ». Elle découvre la vie dans sa complexité et son injustice. Son personnage qui semble si épanoui à la première scène sombre dans la folie. Elle tient une magnifique scène de fin où elle perd pied et se rend compte de la situation. Son regard se porte au loin derrière le public et la justesse du ton montre sa fragilité. Les hommes ne sont pas restes. Samuel Debure tient avec cruauté son rôle d’homme, égocentrique et cruel. Le visage blanchit, tenu noir, il incarne l’élégance et l’autorité. On ne doute jamais qu’il est cet Alexi. Pour lui tenir compagnie, l’énigmatique David Olivier Fischer, caché sous un masque. Même si l’on ne le voit jamais son visage, il s’impose là de façon charismatique. Sa voix un peu pincé, se veut juge et parti. Les costumes de Claire Avias sont vraiment très bien pensé. C’est un mélange subtil de plusieurs matières et style qui donne un côté intemporel. Tout comme la mise en scène, avec des décors qui font ancien qui se couple avec des cubes de rangement en plastique et des tubes lumineux au plafond qui changent de teintes. La musique créée pour le spectacle se dirige vers la techno avec des sons répétitifs qui correspond totalement à l’ambiance.
Ne passez pas à côté de cette adaptation très originale qui saura changer votre regard sur Anna Karénine.
« Le cœur à ses raisons que la raison ignore ». Pascal
Théâtre de la Contrescarpe
5 rue Blainville
75005 Paris
jusqu’au 6 janvier 2019
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