Sara Llorca prend possession de la scène du Théâtre 71 de Malakoff pour y proposer une nouvelle version des Bacchantes d’Euripide. Musique hypnotique, décor très minimaliste, costume contemporain… une vision résolument moderne d’une tragédie bien obscure. Allons en savoir plus.
Sophocle, Euripide et Eschyle ont marqué leur époque en produisant des centaines de tragédies. De nos jours, quelques-unes ont pu survivre et des artistes leur donnent toujours vie. Ce n’est plus dans un espace en plein air mais dans des théâtres, dans ces lieux qui servent à contempler, que les mots résonnent encore.
Le sanglant retour de Dionysos à Thèbes
Sarah Llorca a décidé de s’attaquer à l’adaptation de l’ultime pièce d’Euripide : Les Bacchantes. Une histoire bien sombre qui raconte la vengeance de Dionysos contre Thèbes. En effet, de retour dans sa ville natale, personne ne veut le reconnaître comme Dieu. Pourtant il est né de l’amour de Zeus et d’une mortelle, Sémélé, la fille du roi Cadmos. Alors il décide de mettre à sa merci la cité entière et punira durement ceux qui lui résisteront. Penthée, le jeune roi de Thèbes, se refuse à croire à cette folie et celui va lui coûter très cher.
Prenant figure humaine, Dionysos le convainc de féminiser ses traits pour se rendre dans la forêt pour surprendre l’assemblée des Thébaines. Mais en réalité le dieu va donner en pâture l’homme à la fureur des femmes. Il va être dépecé en morceaux. En transe, sa mère, Aglaé, va revenir au palais ravit d’avoir tuer un lion. La tête en main, elle montre à son époux son trophée qui se révèlera être la tête de son fils. Le monde s’écroule et le pouvoir de Dionysos ne peut plus être remis en question. Cependant le châtiment ne va pas s’arrêter ici, il va encore perdurer pendant des années.
Au rythme du cri du bouc
Le mot tragédie vient de deux mots grecs : tragos, le bouc et ôïdos, le chanteur. Ce que l’on pourrait traduire par le chanteur de bouc. Vous allez me dire qu’elle est le rapport entre le bouc et la tragédie ? Et bien le chanteur était l’officiant et la tragôïdia, la complainte chantée durant le sacrifice d’un bouc en l’honneur de Dionysos. C’est ainsi que naquis la tragédie.
La musique rock se substitue à la complainte chantée du rite bachique. Ce qui tombe plutôt bien car dans cette pièce c’est ce Dieu qui est au cœur du récit. Sarah Llorca a décidé de donner du rythme à travers les deux musiciens et son chant à travers la création de sept morceaux. Benoît Lugué et Martin Wangermée, bassiste et batteur, sont très présents et emmènent le spectateur au coeur d’un gouffre sans fin. Leur présence permet vraiment de donner du volume et de l’intensité au texte, joué lui assez gentiment, sans trop de passion. Le rythme se rapproche d’un rythme hypnotique qui incite l’esprit à se vide et à se concentrer que sur une chose. Sarah Llorca, poitrine nue, chante, raconte, explique l’histoire entre chaque tableau, comme cela se faisait traditionnellement.
Une sobriété au service de l’horreur
Les tragédies grecques n’étaient pas jouées à grand renfort de décors et de costumes. Sarah Llorca a décidé de s’inspirer de cela pour imaginer sa mise en scène. Le centre de la scène est recouverte d’une grande bâche et voilà le décors très minimaliste imposé. De chaque côté, un banc et le portant pour les costumes. Les comédiens ne se changent pas avec visibilité du spectateur. Les costumes restent très standards avec pantalon en jean blanc, veste en cuir, chemise blanche… Il y a juste la robe d’Aglaé qui tranche avec le reste avec une robe en velour bleu tachée de sang.
Les trois comédiens interprétants l’ensemble des personnages occupent assez bien l’espace. Le choix de trois comédiens se justifie t’il parce que le théâtre grec se jouait à trois personnes maximum ou juste un moyen économique ou juste créatif? Ce qui change est la présence de femmes sur scène car c’était formellement interdit à l’époque. Anna Alvaro à l’intonation si particulière va être à la fois Dionysos, Tirésias et Agavé. Ulrich N’Toyo lui interprète Penthée, un messager. Et Jocelyn Lagarrigue qui joue Cadmos,un serviteur et un messager.
Sara Llorca présente une version rock’n’roll d’un tragédie moyennement convaincante. Même si des problématiques toujours contemporaines comme le racisme, le sexisme et la religion sont abordées, on reste un peu sur sa fin lorsque la lumière sur scène s’éteint.