« La Mouette » d’Anton Tchekhov a touché beaucoup d’artistes. Benjamin Porée en fait parti car il a décidé de s’approprier l’histoire pour en faire une nouvelle plus personnelle. Un travail auquel se mélange d’autres références. L’ensemble a donné naissance à « Le rêve est une terrible volonté de puissance ». Que se cache t’il derrière ce titre à rallonge?
Parfois, il y a des pièces qui passent dans plusieurs théâtre. Par exemple, le succès d’Edmond d’Alexis Michalik et de Cyrano de Bergerac à la Comédie Française font que l’on peut trouver sur Paris de nombreuses pièces sur Edmond Rostand et des variations de Cyrano (la pièce dure 3h00). En ce moment, on trouve plusieurs adaptations de »La Mouette » d’Anton Tchekhov. Je ne sais pas pourquoi un tel engouement pour cette pièce. Par contre, j’ai une certitude, elles sont toutes très différentes.
Benjamin Porée a décidé de prendre cette pièce comme toile de fond qu’il a complété par la notion de « rêve dévorant », de « rêve comme terrible volonté de puissance », évoqués par Deleuze lors d’une conférence sur le cinéma. Pour mieux savoir ce qui peut vous attendre, voici un peu plus d’information sur la notion de rêve que Deleuze a expliqué lors d’une conférence sur le cinéma à la Femis.
» C’est que le rêve concerne ceux qui ne rêvent pas. Le rêve de ceux qui rêvent concerne ceux qui ne rêvent pas, et pourquoi ça les concerne?
Parce que dès qu’il y a rêve de l’autre il y a danger. A savoir que le rêve des gens est toujours un rêve dévorant qui risque de nous engloutir, et que, que les autres rêvent, c’est très dangereux, et que le rêve est une terrible volonté de puissance, et que chacun de nous est plus ou moins victime du rêve des autres, même quand c’est la plus gracieuse jeune fille, c’est une terrible dévorante, pas par son âme, mais par ses rêves. Méfiez vous du rêve de l’autre, parce que si vous êtes pris dans le rêve de l’autre vous êtes foutu « .
Voilà le ton est donné.
L’explication ne me semble pas très claire et le résultat qu’il va en sortir va être de même. Jérôme Porée a décidé d’introduire de la vidéo. C’est dès que le spectateur rentre dans la salle qu’il peut s’en apercevoir qu’un comédien est assis face caméra et que cette image est projeté sur un grand rideau en fond de scène. Au début, il y a du texte et l’image du comédien. La lumière public s’estompe et c’est la lumière scène qui devient importante. Le texte sur le rideau s’efface et le comédien commence à raconter l’histoire d’une femme. La comédienne en fond de scène vient devant, dans le champs du premier comédien. Puis débute un échange avec des changements de perspective qui va de l’un à l’autre.
L’image projetée est en noir et blanc. Un choix de non couleur pour montrer encore plus la névrose des personnages?
Puis les projections vont s’alterner selon les situations et je ne comprends pas toujours le pourquoi du comment non plus. Ni le fait que parfois, il y a des projections d’images tournées en amont qui m’ont semblé rajouter de la longueur à la longueur.
Tous les personnages ont tous des névroses, sont tous narcissiques, ont tous des problèmes d’égo… Fallait-il 2h00 pour le comprendre? Fallait-il qu’ils fument tous le temps aussi pour montrer une addiction? Je suis catégorique. L’histoire proposée ne m’a pas du tout intéressée et je n’ai pas compris le choix de mise en scène pour expliquer ce qui avais été déjà dit ou souligné plus d’une fois. Le récit avance très lentement avec des choix de passé/présent/passé/présent qui n’apporte absolument rien à l’histoire.
Heureusement que les comédiens jouent bien même si certains surjouent pour le besoin de la pièce. Il y a du travail dans les échanges, les disputes qui semblent vraisemblables, les pseudos-relations amour/désamour/amour déçu mais cela ne suffit pas. Le temps semble s’arrêter et l’ennui me gagne assez vite. Quand est-ce qu’on arrive au bout de ces 2h00? Je lutte contre le sommeil.
Un moment un noir se fait sur scène, je me lance dans l’applaudissement. Pourquoi une telle fin? Et pourquoi pas après tout. La plupart de la salle me suit mais pas de chance ce n’était pas terminé. Il restait encore 20 bonne minutes de spectacle. Le fait que d’autres spectateurs m’aient suivi m’ont bien prouvé qu’eux aussi voulaient partir. Pas de chance, j’ai du attendre la suite. Il y a de belles choses esthétiquement mais pourquoi tellement de longueur?
Je n’ai pas peut-être pas le niveau pour apprécier ce spectacle aussi. En effet, je n’ai jamais lu La Mouette et j’avoue qu’après ce que j’ai vu, j’ai encore moins envie de le lire. Et comment dire que Deleuze, je n’ai pas lu depuis que j’ai quitté la fac et je n’irais pas l’écouter dans une conférence. Ce spectacle est peut-être une branlette intellectuel et par conséquent, je suis passée à côté.
Malgré des applaudissements très timorés d’une salle à moitié vide, les comédiens talentueux gardent le sourire. Une performance pour eux à jouer et une performance pour le public de rester captivé. Bref, le meilleur moment du spectacle pour moi, c’est quand je suis partie de la salle. Dommage.
Extrait de la note d’intention
Quand j’ai entendu Deleuze parler de cette notion du rêve dévorant, du rêve comme terrible volonté de puissance, j’ai tout de suite été frappé par le rapprochement qui pouvait se faire avec le thème de la mouette. Cette ligne de force qui imprègne toute la pièce, comme celle d’une ligne de vie, et qui se retrouve chez chacun des personnages, dans leur intérieur, dans leur volonté de vivre, survivre, dévorer l’autre pour se maintenir Soi, pour sauvegarder à tout prix son Rêve.
Avec ce lac qui englouti ces êtres, ces vies, les souvenirs, le temps, le passé.
Cette mouette est pour moi la matière la plus appropriée et intime pour être le point de départ d’une nouvelle étape dans mon travail.
Cette interrogation sur l’art et l’amour qui constitue la pièce.
Je ressens de manière impérieuse l’envie d’aller vers de la création, avec une nouvelle approche face à l’oeuvre que je vais mettre en scène.
J’ai tout de suite eu envie de retraduire la pièce, de la faire résonner avec «ceux» que nous sommes aujourd’hui. Puis cela m’a guidé vers une adaptation libre, vers de l’écriture personnelle. Vers le désir de faire exister au plateau des scènes nouvelles, inventées et parfois pensées pour se jouer au plateau et parfois pour êtres filmées.
Partir de la pièce donc, de son histoire, pour aller vers une version neuve, une » forme nouvelle » comme pourrait le dire Treplev.
Aller vers l’écriture de plateau, l’écriture filmique. La création par l’Image(s).Il y aura donc des mots des mots des mots…Les mots accouchés sur le papier en amont, ceux accouchés par les comédiens en répétitions. Durant toutes celles-ci, les guider vers cette place d’acteur « auteur ».
Cette place de créateur, de liberté, d’un langage inventé pour ce spectacle.
Faire coexister le plateau avec le film. Deux dramaturgies qui se répondraient, se contiendraient.