Pour débuter la nouvelle saison à la Comédie-Française, une pièce d’August Strindberg, « Père« , occupe la salle Richelieu. L’auteur suédois a été mis en scène, pour la première fois par le cinéaste, Arnaud Desplechin. Une pièce où un père de famille est entouré de femmes qui vont avoir raison de sa santé mentale. Prêt pour une plongée dans la folie?
Créée en 1887, August Strindberg écrit Père alors qu’il a 38 ans et qu’il est marié depuis 10 ans avec la même femme. Alors le couple, il en sait quelque chose. Alors l’inspiration pour parler d’un homme entouré de présences féminines castratrices il n’a pas eu trop de difficulté à le faire. D’autant plus que lorsqu’il était petit, après le décès de sa mère, son père c’est remarié avec la gouvernante de la famille. Ce qui ne lui a pas du tout plu.
Alors cette rancune envers les femmes, il a décidé d’écrire l’histoire d’un Capitaine qui vit dans une maison entouré de femmes. Il y a son épouse, son ancienne nourrice, sa belle-mère et sa fille. Chacune veut des choses de lui et il peine à tout refuser. La tension commence à monter lorsqu’il veut que sa fille chérie aille suivre les enseignements d’un libre penseur. Sa femme ne veut pas que sa fille quitte la maison et risque de se rendre compte qu’elle est manipulatrice. Pire encore, qu’elle puisse apprendre à penser par elle-même. Pour retenir sa fille, elle est prête à tout.
Le Capitaine se doute bien qu’il va se passer quelque chose et que sa raison n’est pas certaine de pouvoir rester. Son beau-frère, le pasteur, connaît bien le caractère de sa soeur et il sait bien que quand elle a une idée en tête rien ne peut l’arrêter. Déjà, elle le prévient, c’est elle la plus forte et elle arrivera à sa fin. Doucement, elle va insinuer que Bertha n’est pas sa fille, qui lui est impossible de prouver qu’il est bien son père. Sa fille, c’est sa raison de vivre, sa plus grande fierté. Profitant du trouble, elle va voir un médecin et lui faire part de sa crainte, que son mari devienne fou. Petit à petit, elle lui donne des informations et connait assez son mari pour savoir comment il réagirait aux questions.
La fin est prévisible et c’est un plongeon dans un abime ou l’espoir n’est plus permis.
C’est dans une mise en scène très austère que le conflit se fait sous le regard captif du spectateur. Le tout tenu incarné par un Michel Vuillermoz flamboyant. Il faut dire que je suis tombée sous son charme depuis que je l’ai vu en Cyrano de Bergerac. Depuis, il m’étonne toujours d’être dans un travail si parfait et si extraordinaire. Je dirais qu’il tient à bout de bras cette pièce pendant 2h00. Anne Kessler qui interprète l’épouse, nommée Laura. est plus en effacement avec un jeu avec très peu de nuance. Elle est moins présente et visible qui doit être une volonté première de l’auteur et puis du metteur en scène.
Malgré cette présence des femmes étouffantes, c’est un cri aussi des femmes qui crient à l’inégalité. Sans mari, elle n’existe pas. Le seul métier qui permet une certaine liberté, c’est institutrice. D’ailleurs, c’est ce métier qu’il souhaiterait que sa fille exerce. Ainsi, même si elle reste célibataire, elle sera respectée. Les femmes n’ont pas de mots à dire, pas de possibilité d’émancipation.
Malgré une certaine lenteur dans l’histoire, je n’ai pas vu le temps passé. Je savais que cela ne pouvait finir que mal et qu’il ne pouvait y avoir qu’une seule échappatoire. Mais c’était comment Laura allait-elle faire qui m’intriguait. Malin et cruel, elle arrive à son objectif. Tout le monde était captif car à la fin, le noir se fait sur scène et un silence se fait. Quelques longues secondes de silence laissent place à un tonnerre d’applaudissements bien mérité. J’ai été subjuguée par la prestation de Michel Vuillermoz qui m’a emmené dans une histoire sans pitié et pleine de remords.
Allez à la rencontre d’un père qui voudrait le mieux pour sa fille et qui au final, ne pourra plus jamais l’aimer.
Lien vers la Comédie Française
Texte français : Arthur Adamov
La pièce dans la traduction française est publiée chez l’Arche éditeur.
Mise en scène : Arnaud Desplechin
Scénographe : Rudy Sabounghi
Costumes : Caroline de Vivaise
Lumières : Dominique Bruguière
Son : Philippe Cachia
Nouvelle production
Avec
Martine Chevallier : Margret, la vieille nourrice du capitaine
Thierry Hancisse : Le pasteur, frère de Laura
Anne Kessler : Laura, la femme du capitaine
Alexandre Pavloff : Le docteur Oestermark
Michel Vuillermoz : Le capitaine
Pierre Louis-Calixte : Nöjd, soldat de l’escadron du capitaine
Claire de La Rüe du Can : Bertha, la fille du capitaine et de Laura