Le mot chatouille évoque quelque chose de mignon et d’affectueux. Mais dernière ce mot peut se cacher bien des choses tragiques méritant une danse de la colère. Un geste tendre se transforme en geste déplacé puis c’est un monde qui s’écroule. Prêt pour un spectacle bouleversant ?
Je suis le genre de personne qui choisit de voir un spectacle juste sur le choix d’un titre, d’un mot ou d’une image. C’est très rare que je lis les présentations, les résumés ou les critiques. J’avais vu le mot chatouille dans le titre et j’aime bien l’affiche. Voilà les raisons qui m’ont poussées à me diriger vers le petit théâtre Montparnasse pour voir « Les chatouilles où la danse de la colère« .
Dès les premières minutes, j’ai compris que les chatouilles ce n’étaient pas mignon du tout. Sous ce mot, un adulte, un ami de la famille, Gilbert en profitait pour se faire toucher et violer une petite fille, Odette qui ne comprenait pas trop ce qui se passait. Elle devait garder le secret. Mais un jour, ce mal-être devait sortir et prendre les mots de la dénonciation. Il a fallu être adulte pour aller à la gendarmerie, porter plainte, aller au tribunal et dénoncer au monde entier ce comportement malsain. Puis, il faut faire face à sa détresse et au regard des autres, ceux qui étaient autour qui n’ont pas vu ou voulu voir et ceux qui ne veulent pas croire.
L’histoire saisissante et touchante de cette enfant a été magnifiquement mis en scène par Eric Métayer avec la comédienne et danseuse Andréa Bescond. Sur scène, juste un siège au fond de salle, au centre. Quelques accessoires viennent dans le récit ponctuer et le souligner. Puis au cœur, la comédienne, les yeux brillants, le corps vibrants occupe tout l’espace scénique. La danse se mélange au théâtre où le corps se trouve au centre de tout. Les mots pourraient être ceux de ce pathos larmoyant mais ici tout est pesé, réfléchi, net, juste sans du trop qui pourrait gâcher le moment. Pour accompagner l’artiste en scène, il y a le beau travail de lumière qui donne beaucoup d’intensité ou d’humour selon les situations.
Andréa Bescond est chez la psy avec sa mère et raconte son histoire. Avec une aisance et un talent certain, elle prend les attitudes, les voies de ceux qui ont croisé le chemin d’Odette. Ce rendez-vous est pour rapprocher les deux femmes car la mère croit que sa fille a inventé une histoire juste pour lui nuire. Une distance difficile à accepter pour la fille qui ne comprend pas le déni de sa mère. L’émotion sommeille en moi et les larmes ne sont pas très loin pour s’écouler. Mais le rire est de rigueur car Odette malgré ces moments de faiblesse possède un sacré caractère. Les voyages spacio-temporels sont très amenés me permettant de tout comprendre, de monter brique après brique, l’histoire de cette jeune femme qui veut pousser un cri pour se sentir à nouveau libre de ces chaînes du passé qui l’entrave.
Impossible de fermer les yeux pendant la représentation, j’étais totalement captivée. Musique entrainante, lumière discrète et efficace, une mise en scène sublime et une comédienne extrêmement talentueuse. La fin arrive, ce n’est pas une ovation qui retentit, non… pas directement, car il y a d’abord ce moment de silence qui s’accapare de la salle lorsque l’art laisse sans voix. Alors j’ai posé ma veste sur le sol. Je me suis levée. J’ai applaudi en contrôlant le sanglot dans ma gorge qui tentait de s’extirper.
Les chatouilles parfois cela fait rire et parfois cela fait pleurer. Alors si vous voulez prendre une claque théâtrale, vous savez ce qui vous reste à voir.
Lien vers le Théâtre Montparnasse
1 Comment