cid_webSi je vous dis : « Ô rage ! ô désespoir ! ô viellesse ennemie ! N’ai-je donc tant vécu que pour cette infamie ? ». Vous êtes censé me répondre : « Le Cid » de Corneille. La compagnie Le grenier de Babouchka s’est emparée du texte pour lui donner vie sur les planches du magnifique théâtre du Ranelagh. Tout en costume, habillé de cap et d’épée, les comédiens mettent tout en œuvre pour rendre l’honneur de Rodrigue et Chimène. Prêt pour l’aventure ?

Mais de quoi parle Le Cid ?
Il n’y a pas que Molière qui soit un classique. Le Cid de Corneille à lui aussi le droit de s’afficher sur les scènes des théâtres parisiens. La compagnie Le grenier de Babouchka a décidé de mettre une partie de sa troupe sur cette histoire d’amour où l’honneur est au cœur des conflits.

C’est en janvier 1637, que cette pièce a été jouée au théâtre du Marais. Pour sa seconde tragi-comédie, Corneille s’est inspiré d’une comédie espagnole, Las Macedades del Cid ( Les enfances du Cid) de Guillen de Castro. Cette pièce connaît un vif succès auprès du public mais elle dérange beaucoup certains auteurs qui n’hésitent pas à la critiquer férocement. Plus les remarques sont critiques et plus le public court voir la pièce.

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Les spectateurs n’avaient pas de dilemme pour aller voir la pièce contrairement à Rodrigue qui est partagé entre son amour pour la belle Chimène et sa volonté de venger l’offense faîtes par le père de Chimène, à son père. Ainsi naquit le dilemme cornélien. Car si Rodrigue venge son père, il perd Chimène et s’il ne venge pas son père, il père l’honneur de sa famille. Il n’a pas le choix, il doit tuer le comte de Gornas pour venger l’affront qu’il a fait à son père, Don Diègue.

Chimène aime Rodrigue du plus profond de son cœur. Elle est tout de même obligée de réclamer sa tête pour l’honneur de sa famille. Rodrigue va aller affronter des maurs qui envahissent son pays et s’en sort glorieux. Le roi et toute la cours l’admire. Mais elle veut sa vengeance. Elle va faire sa Salomné en réclamant sa tête. Personne n’est vraiment dupe et comprend qu’elle soit partagée entre les deux sentiments. D’ailleurs, lorsque Don Sanche revient de son combat avec Rodrigue, Chimène veut mourir si son amour est mort. Quelle cruche…. Il est trop bon et humble pour tuer un poto ainsi Rodrigue. Elle est tombée dans le panneau et doit épouser le gagnant.

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Tout fini bien vous me direz. C’est un peu le monde des bisounours. Et bien pas tant que cela, car Rodrigue et Chimène ne pourront se marier qu’un an plus tard. Un an pendant lequel Rodrigue va devoir aller chez les maurs pour les combattre sur leur terre. Il y a peu de chance qu’il puisse revenir même pour le bonheur d’un hymen.

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Et qu’est-ce que j’en pense ?

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J’ai vraiment adoré la mise en scène inventive et dynamique de Jean-Philippe Daguerre. La scène est coupée en deux. En fond de scène, deux musiciens pluri-instrumentalistes en costumes, qui vont jouer pendant presque tout le spectacle. Devant eux, un rideau noir transparent. Et sur le devant de la scène, toute l’histoire dans un décor très sommaire, avec aucun mobilier. Mais est-ce utile ? J’avoue que cela ne m’a nullement ennuyé car l’occupation de l’espace et les jeux de lumière sont largement suffisant.

L’espace est toujours occupé par les comédiens. Le début commence entre Rodrigue qui apprend à Chimère à se battre avec une épée avec quelques baisers échangés. C’est mignon tout plein. Le ton des costumes et des couleurs sont données. Tout ici sera alors de blanc et de rouge. Puis l’amour et la passion va déchirer tous les personnages de cette histoire.

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Le ton est juste et joué dans le réel plaisir de la comédie. J’ai vraiment adoré les personnages d’Elvire et Léonor, les gouvernantes qui mettent une douce pointe d’humour. Malheureusement, on les voit assez. Après, j’avoue que je n’ai pas été insensible au charme du comte de Gormas qui mourut bien tôt des mains de Rodrigue, même si il a fait une apparition fantomatique à la fin. Et aussi à celui de Don Sanche, qui lui aussi est assez peu présent et qui aurait fait un très séduisant Rodrigue. Mais les goûts et les couleurs….

J’ai beaucoup aimé l’occupation de l’espace. Car au lieu de se contenter de la scène à proprement parlé, il occupe aussi un espace rajouté devant où l’on a pu voir un Rodrigue fier avec de la lumière sur la moitié du visage. Une belle image d’un héros réfléchissant, regardant devant, loin vers l’avenir. On pourrait presque croire une représentation royale. Et puis, il y a aussi ce roi Don Fernand, au premier balcon côté scène, qui y trône face public. Dans une tenue ridicule, avec des collants blanc et short bouffant, rouge, blanc et or, il écoute et donne ces ordres. Il ressemble à un bouffon, les grelots en moins. Mais pourquoi zozote t’il en postillonnant partout ? Corneille avait-il le sens de la farce à ce point ? Je pense que c’est une liberté du metteur en scène.

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La petite chose qui m’a fait choisir ce spectacle, ce sont les combats d’épée. J’en garde des souvenirs émerveillés des échanges de fleurets dans Cyrano de Bergerac ou Troïlus et Cressida à la Comédie Française. Alors des tenus d’ « époque » et des épées, j’y vais les yeux fermés. Ces scènes ne sont pas faciles à faire. La première avec l’affrontement de Rodrigue et du père de Chimène était assez bien réussie même si je n’ai pas pu retenir un rire lorsque l’épée passe sous le bras pour signaler la mort. Par contre la deuxième, l’était beaucoup moins car il y avait un décalage entre le coup et la parade. Les parades étant réalisées avant que le coup soit donné, l’effet est plutôt comique que d’action. Mais j’ai bien aimé quand même car quand le cœur y est.

Les 1h45 de spectacle passe à toute vitesse, captivant aussi bien les enfants que les adultes à coup d’amour, à coup de je t’aime et à coup de fleuret. Une très belle interprétation qui redonne de belles lettres aux classiques et qui donne envie d’en voir d’autres.

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