C’est avec une certaine curiosité que j’avais descendu les escaliers du théâtre de Poche pour aller dans la petite salle. Tout le monde se tasse pour trouver une bonne place car ce soir-là, c’était complet. Je ne m’inquiète pas je connais la qualité des spectacles donnés dans ce théâtre et on voit bien partout. Tranquillement, je m’installe car je sais que je vais en prendre plein les mirettes. Allez Stephan Zweig, fais-moi encore voyager.
Doucement, le silence s’installe dans la salle pour faire apparaître avec douceur, en lumière, un homme seul en scène : Alexis Moncorgé. Le temps d’une histoire, il abandonne son identité pour devenir un médecin en Malaisie qui se raconte. Il a un secret qui devient trop lourd à porter et décide alors de confier à la lueur de l’obscurité. Un jour, tranquillement installé dans son cabinet médical arrive une femme avec un voile cachant son visage. Quelque chose d’étrange et d’intriguant émane de cette personne. Il veut en savoir plus mais il sait que ce genre de personne n’est pas facile à aborder. Elle veut quelque chose de précis, un service à lui rendre contre de l’argent et un départ immédiat. Ce n’est pas qu’il est contre l’avortement, il ne veut pas satisfaire si facilement cette femme de pouvoir, habituée à tout avoir. Après un échange, contrarié, elle part, laissant dans son sillage une délicate odeur.
La raison commence doucement à le quitter. Il doit la revoir, savoir qui elle est, connaître son histoire, être dans sa vie. Il veut être prêt d’elle, même si elle ne veut pas lui donner son amour, sa présence lui suffirait. Alors, il va traverser la ville, aller à sa rencontre et rien ne se passe comme il l’espère. Il sent que quelque chose lui échappe, il agit de façon tellement déraisonnable. On lui avait parlé de l’Amok, d’une folie dévastatrice qui débute par de l’amour, de la jalousie et qui mène alors son homme à la fin de sa destinée. L’Amok prend possession de lui. Il a tenu une promesse à cette femme et il s’y résoudra jusqu’à sa mort.
La mise en scène par Caroline Darnay se fait tout en finesse. Pas besoin de beaucoup d’objet, de meubles… Quelques caisses, un grand tissu blanc et un costume d’époque pour notre héros. La lumière pleine et obscure met en action se récit avec une élégance folle. Il faut dire que j’ai été émerveillée par la prestation d’Alexis Moncorgé, qui incarnait complètement le personnage. Il a commencé en douceur, histoire de mettre un peu en confiance le spectateur. Puis très vite, le rythme monte, les mots fusent et la folie gagne du terrain. Petit à petit, la tension monte, les gens qui m’entourent ont disparu. J’étais uniquement avec le médecin sur scène. Je courrais dans les rues en hurlant, je pleurais à chaude larme de peine, je sentais le courage monter en moi avant de faire le choix du non-retour… Puis vint le silence, le noir sur scène, c’était fini. L’Amok a eu raison de moi. Il ne me restait plus qu’à l’applaudir en me levant pour féliciter cette remarquable représentation.
Stephan Zweig avait une plume incroyable. Il sait prendre le lecteur au coin de ces sentiments et la scène est un lieu où on peut rendre hommage à son talent. Alors un bon auteur, un bon théâtre, une bonne metteuse en scène et un très bon comédien, cela ne peut donner qu’un fantastique spectacle.
L’avis de Bricabook
Lien vers le théâtre de Poche
J’avais failli aller le voir. Il me tentait bien. Au final, j’ai choisi une autre pièce, mais la qualité de cet Amok me tentait bien…
Je l’ai conseillé à bien qui ont été totalement conquis. J’ai été bluffée. En plus, Amok n’est pas une pièce beaucoup joué. Et si tu aimes Stephan Zweig tu vas être conquis.
J’ai vu trois pièces de Zweig en un mois et c’est celle là que j’ai adoré le plus.