La Comédie-Française joue propose pour la première fois La Tête des autres dans le théâtre du Vieux-Colombier. Quand le talent du jeux accompagne celui de la mise en scène et de la lumière, on ne peut qu’être ravie.
Il faut laisser l’image d’Epinal qui veut que la Comédie-Française ne joue que les grands classiques et ne se lasse pas de jouer Molière. Très souvent des pièces plus contemporaines pointes leurs nez comme La Tête des autres de Marcel Aymé, écrite en 1952. Alors direction, la fin de la seconde guerre, dans les années 50 en Poldavie, pour aller à la rencontre du procureur Maillard (Nicolas Lormeau) qui rendre à son domicile à la suite d’un procès. Sa femme, Juliette Maillard (Véronique Vella) est présente avec deux amis qui attendent avec impatience le retour de l’homme providentiel. Lorsqu’il arrive, c’est avec fierté qu’il avoue avoir condamné à mort Valorin, musicien de jazz (Laurent Lafitte).
Mais voilà, le bonheur sera de courte durée. Surtout lorsque le procureur seul dans sa maison voit arrivé avec joie la sublime Roberte Bertolier (Florence Viala), la femme de son ami, le procureur Bertolier (Alain Lenglet) et à l’occasion son amante. Après quelques échanges tout en séduction, un homme pénètre dans la demeure par la fenêtre. Pas un cambrioleur, c’est le fameux Valorin qui suite à un accident de voiture s’est enfui. Il réclame justice car il est innocent et il peut le prouver. Car la femme avec qui il a passé la nuit n’est rien d’autre que Roberte, qui couche à l’occasion avec des inconnus. Impossible de pouvoir dire la vérité car que vont penser les gens que la femme d’un procureur s’envoie en l’air avec des hommes. Normal pour un homme de tromper son épouse, mais absolument pas l’inverse. Il faut conserver les faux-semblants pour la société. Marcel Aymé parle de cette injustice de jugement et les comédiens le soulignent avec élégance.
Alors comment rendre la liberté à cette homme qui ne mérite pas de perdre sa tête. Impossible de dire la vérité. Roberte pense immédiatement à l’envoyer manger des pissenlits mais l’homme est un filou. Un étranger va être arrêté et va faire des aveux sur sa culpabilité. Valorin n’est toujours pas satisfait car cet homme aussi est innocent. Il sait qui est responsable et sait qui aller voir pour cela. Alessandrovici (Serge Bagdassarian) fait et défait les politiques et le pouvoir. Les deux procureurs ne souhaitent pas aller faire une requête car ils ont trop peur pour leurs vies. Surtout après avoir croisé deux tueurs en série travaillant pour lui : Dujardin (Mich Ochowiak) et Gorin (Benjamin Jungers). Même si la secrétaire (Jennifer Decker) calme un peu l’ambiance avec sa simplicité et sa maladresse.
Par chance, tout fini bien ou presque puis Valorin ne peut résister au charme fatale de Roberte. Car les conflits humains, Marcel Aymé aime les dénoncer. Ancien chroniqueur judiciaire, il connait bien le milieu et peu alors en parlé avec aisance. Il dénonce la compromission entre la justice et le pouvoir, la collaboration pendant l’histoire, le racisme, la misogynie et la peine de mort. Les mots fusent avec une justesse incroyable servi par des comédiens surprenant qui sont toujours au services des mots. J’ai adoré Serge Bagdassarian en homme horrible et terriblement drôle, même si on le voit assez peu. Et bien entendu, Benjamin Jungers que j’apprécie toujours plus à chaque fois que je le découvre dans une nouvelle pièce. Toutefois, les autres comédiens sont toujours parfaits, ce qui fait que toutes les pièces sont toujours extraordinaires à la Comédie-Française.
Ce qui m’a vraiment plu c’est la mise en scène et la mise en lumière. Lilo Baur a choisi de monter la version initiale de l’auteur, plus subversif où le maffieux Alessandrovici est présent. La structure du récit a orienté la metteuse en scène vers une esthétique cinématographique proche des films noirs. Par exemple, on trouve un trio amoureux avec la femme-mère, la femme putain et le mari/amant. Les décors tout en sobriété sont d’une efficacité incroyable. La scènographie d’Oria est surprenante tout comme le travail de lumière Gwendal Malard. Ces zones de lumières projetant des ombres, j’ai été totalement subjuguée par leur efficacité et leur magnificence. J’étais plongée dans un véritable film des années 50 avec ces lumières, ces costumes et la posture drôlement sexy de Florence Viala qui a pris un petit accent bien particulier.
Une délicieuse satire sociale cruelle et douce à la fois. La Comédie-Française ose tout et dépasse toute les frontière pour servir un auteur. Alors comment ne pas être totalement ravie et conquise de spectacle extraordinaire qui m’a plu sous tous ces aspects. Alors allez au Vieux Colombier vous plonger dans un polar saisissant.
Site officiel de la Comédie-Française