Le mot chatouille évoque quelque chose de mignon et d’affectueux. Mais dernière ce mot peut se cacher bien des moments tragiques méritant une danse de la colère. Un geste tendre se transforme en geste déplacé puis c’est un monde qui s’écroule.

« Les chatouilles où la danse de la colère », créé en 2014, tourne depuis des années en France. Il est rare dorénavant d’avoir des spectateurs qui sont venus pour le charme du titre. Les salles se remplissent de gens conscients du sujet sensible évoqué. Pour ceux qui avaient un doute, dès les premières minutes, le couperet tombe. Odette était tout plein d’innocence et d’espoir dans le monde. Un jour, Gilbert, un ami de la famille lui propose de jouer ensemble et dans le plus grand secret. C’est à partir de là que les abus sexuels ont débuté. Mais un jour, cette souffrance devait sortir et prendre les mots de la dénonciation. Il a fallu être adulte pour aller à la gendarmerie, porter plainte, faire entendre sa voix, aller au tribunal et dénoncer au monde entier ce comportement malsain. Après, il faut faire face à sa détresse et au regard des autres, ceux qui étaient autour qui n’ont pas vu ou voulu voir et ceux qui ne veulent pas croire.

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L’histoire saisissante de cette enfant a été magnifiquement mis en scène par Eric Métayer avec l’incroyable comédienne et danseuse Andréa Bescond. Sur scène, juste un siège au fond de plateau. Quelques accessoires viennent parfois ponctuer l’aventure de vie. Ici aussi, c’est d’une grande justesse. Tout l’espace scénique est brillamment occupé par l’artiste. Elle se donne à plus de 2 000%. Ces yeux brillent d’intensité, son corps vibre, sa voix s’affirme dans chaque personnage. Elle nous touche par tant de sincérité dans son jeu. La danse se mélange au théâtre avec une harmonie et fluidité époustouflante. « C’est avec la danse que j’ai commencé à fuir ». Les mots pourraient être ceux de ce pathos larmoyant. Ici tout est pesé, réfléchi, net, juste. Pour permettre de décompresser, il y a des bulles d’humour tout en délicatesse. La lumière de Stéphane Fritsch souligne avec élégance chaque instant en lui donnant la bonne tonalité.

Le fil rouge est le rendez chez la psy avec sa mère et raconte son histoire. La tension est forte tellement il semble impossible d’arriver à une écoute active. La mère est persuadée que sa fille a inventé une histoire juste pour lui nuire. Une distance difficile à accepter pour la fille qui ne comprend pas le déni de sa mère. Les phrases chocs font réagir le public aussitôt. Quand la matriarche dit : « qui ne dit mot consens », « elle invente pour me faire souffrir. […] Elle ne m’aime pas », des spectatrices disent : « pas croyable ». Les larmes se mettent à couler ici et là. L’émotion fait un raz-de-marée. « Maman regarde moi. […] J’aurais voulu que tu me prennes dans tes bras. ». Heureusement que l’on alterne avec d’autres morceaux de vie. Il fallait arriver à cette confrontation  pour pousser un cri entre douleur et soulagement afin de se sentir à nouveau libre de ces chaînes du passé qui l’entrave.

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Même si l’on a déjà vu le spectacle, il n’en reste pas moins poignant. L’ovation n’arrive pas totalement à la fin du spectacle. Il fallait un peu de temps pour gérer l’émotion, donc on partage un laps de temps de silence. D’un seul coup, presque tout le monde se lèvre applaudissant ensemble. Quelque chose de rare et précieux se partage. Entre les sincères applaudissements, on peut voir des larmes coulées autour de soi. Comment pouvoir dire autrement MERCI à Andréa Bescond?

Les chatouilles parfois cela fait rire et souvent cela fait pleurer. Alors si vous voulez prendre une claque théâtrale, vous savez ce qui vous reste à voir.

Où voir le spectacle? 
Au Théâtre de l’Atelier jusqu’au 1 juin 2024
Durée : 1h35

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