L’école est toujours un sujet d’actualité. Ainsi les politiques utilisent avec hardiesse la langue de bois pour proposer des solutions miracles. Mais concrètement les choses changent assez peu.

Le spectacle commence de façon assez dynamique et immersive. A droite,  à gauche des comédiens prennent la parole. Ils sont des députés qui s’expriment, au sein de l’hémicycle, sur les établissements classés dans les réseaux d’éducation prioritaire dit REP. Les extrémistes et les conservateurs s’identifient assez rapidement avec leurs propos discriminants. Le réalisme est indéniable avec ce racisme devenu trop ordinaire. Puis c’est au tour de la ministre de l’Education nationale d’annoncer avec véhémence sa prise en compte de la problématique. On constate la maîtrise du langage comme outil de communication, de manipulation et d’hypocrisie. Le politique sait brasser de l’air avec aisance. Quand il est question d’agir, il n’y a plus personne. Les mots n’engagent que ceux qui veulent y croire. Tout ça pour nous emmener dans un collège en zone difficile. Les enseignements font face à la pauvreté, à la misère, à la solitude, à l’absence parentale… Il faut gérer les gamins dont la mère est partie et dont il reste un père peu présent, une mère seule qui se prostitue ou une gamine qui fait des fellations contre un peu d’argent.

Pour remettre de l’ordre, le ministère envoie Violette, la nouvelle CPE. Elle est habituée aux écoles de petits bourgeois où sa fermeté et sa rigueur ont fait leurs preuves. Ce n’est pas parce que sa méthode fonctionnait dans un cadre particulier qu’il va fonctionner ailleurs. La même méthode n’a pas forcément les mêmes effets. La vraie vie prend le dessus de ces certitudes et de sa vision tronquée du quotidien en cité. Elle tentera de faire remonter ses constats, en vain. Les politiques s’en foutent de la réalité, ils veulent juste faire de la com.

Mélanie Charvy et Millie Duyé montrent avec beaucoup de perspicacité le dissensus sur la question des REP. Elles trouvent les bonnes formules pour emporter le spectateur de la première à la dernière minute. Il faut dire que leur contenu repose sur la réalité. Elle ont collecté pendant deux ans la parole d’élèves, d’enseignants et de personnel d’établissements classés dans les réseaux d’éducation prioritaire. Pour cela, les deux créatrices ont défini une méthodologie de recherche en travaillant avec le LEST, un laboratoire de sociologie de l’université d’Aix-Marseille, leur permettant de définir la conduite d’entretiens d’une cinquantaine de personne avec un questionnaire identique ainsi qu’une immersion libre. L’écriture est brillante, incisive, réaliste… L’émotion se trouve au coeur de l’aventure humaine.

Cela l’est d’autant plus avec le partenariat avec des écoles selon les villes. Des élèves peuvent venir jouer sur scène avec les comédiens professionnels. Au théâtre de l’Etoile du Nord, se sont des adolescents du centre Kirikou qui sont venus pour cinq dates. Une première expérience riche pour eux et qui donne une autre dimension à la représentation.

La qualité de « Qu’il fait beau cela vous suffit » repose également sur le talent, l’implication, l’énergie, la fougue, l’enthousiasme… de Aurore Bourgois Demachy, Thomas Bouyou, Emilie Crubezy, Clémentine Lamothe, Loris Reynaert, Paul Delbreil et Virginie Ruth Jospeh. Avec un vrai coup de coeur pour Etienne Toqué qui est à la fois un professeur et un ado à problème, Aleksander. Un élastique en moins dans les cheveux et porter un jogging trop grand avec une veste, il devient un autre. La posture à moitié avachi donne encore plus de vraisemblance. La lumière aide à émacier les traits de son visage. Impossible de ne pas le trouver très convainquant et touchant à la fois.

Pour valoriser leur performance,  Mélanie Charvy et Millie Duyé proposent par une mise en scène pleine de peps et ingénieuse. Même si les modules roulants ne sont pas d’une grande originalité. Ils sont totalement à propos pour souligner l’importance du récit. La fenêtre sans teint (mirolège) est à la fois un tableau, une zone de délimitation, un mur… La scène de la boîte de nuit où les sept châssis forme un demi-cercle où les profs assistent en dansant à un karaoké. Violette nous chante « Désenchantée » de Milène Farmer qui prend tout son sens. Puis en modifiant le demi-cercle côté mur du plateau, Violette assiste à une scène dans la rue. Son élève a problème ramène sa mère d’apparence saoul à la maison. Les élèves doivent faire face à la dureté du monde dehors. Après le collègue, pour beaucoup trouver un emploi est une obligation. Difficile de se projeter sur du long terme et en dehors du ghetto. Une nouvelle fois, nous sommes touchés.

Tout a été réfléchi avec beaucoup d’intelligence, d’humanité et de douceur. C’est assez rare de voir des spectacles d’une qualité. En sortant de la salle, on est triste de ne voir aucune perspective constructive et concrète. Peut-être qu’il faudrait comme la fresque du climat, contraindre les députes et les sénateurs pour les mettre face à leur limite et leur tartufferie. Et après au lieu juste de jouer avec les mots, ils seraient des acteurs et des activistes du mieux vivre ensemble.

Un excellent spectacle, puissant, touchant, bouleversant qui sensibilise sur les REP et leur devenir. La souffrance humaine devrait-elle exister au coeur de l’éducation des futurs citoyens de la République?

Où voir le spectacle? 
Jusqu’au 25 novembre 2023 au théâtre de l’Etoile du Nord

 

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