Jacques Chirac était un grand homme. Depuis son plus jeune homme, il était promis à grand destin qu’il a réalisé. Mais que connaissons-nous de ce politique des plus singuliers?
Il faut avoir de l’audace pour faire un spectacle consacré à Jacques Chirac. Surtout que le sujet de la politique a tendance à effrayer plus d’un spectateur. Mais Régis Vlachos n’est pas un homme ordinaire. Alors du courage, il en a à revendre. D’autant plus, lorsqu’on possède un sens aigue de l’écriture et du talent pour le jeu de scène. Car en plus d’avoir écrit la pièce, il incarne l’ancien Président de la république. Par conséquent, hors de question de faire un truc bateau, classique avec une trame historique chronologique. Pourquoi ne pas oser l’humour, le décalage et l’improbable? D’ailleurs, l’ancien maire de Paris n’était-il pas un peu ainsi? Alors rangez vos peurs et vos aprioris, car « Jacques et Chirac » est un petit bijou de théâtre plein d’intelligence et d’effronterie.
Le temps file à une incroyable vitesse tellement les comédiens nous emmènent dans leur univers loufoque. Marc Pistolesi, metteur en scène et comédien, a fait un travail inouï pour nous donner l’impression de beaucoup avec pas grand chose. Tout est dans une grande dynamique impulsée par les artistes et l’usage adéquat de tous les objets savamment pensés. Un meuble devient fauteuil, bureau et table grâce à des astucieuses manivelles bien cachées. Le téléphone est un fil et les deux extrêmes se forment avec les doigts. Le micro-ondes sert d’écran de projection et d’espace de stockage. Rien n’est laissé au hasard. Les créations son et vidéo de Cédric Cartaut contribuent vraiment au récit que cela soit pour donner des éléments de contexte, de décors et d’espace pour un jeu. Souvent l’utilisation de la vidéo est gratuite et n’apporte rien. Là, on voit à quel point cela est utile et habile, notamment quand c’est vraiment pensé au-préalable.
Aux côtés des deux autres comédiens, on trouve Charlotte Zotto qui montre aussi l’ampleur de son talent. Aux côtés de Marc Pistolesi, ils incarnent les personnes importantes autour de Jacques Chirac comme tonton Dassault, l’amour de jeunesse Florence, Charles Pasquoua, Nicolas Sarkozy, Bernadette… Des personnalités au combien utiles pour la destinée du grand homme d’1m89. On se souvient en général de son slogan « Manger des pommes » et de son aspect sympathique. Beaucoup oublie qu’il a été aussi l’homme qui a placé des dictateurs en Afrique, à contribuer à un génocide, fermer les yeux sur des conflits, à détourner beaucoup d’argent, à favoriser ces amis millionnaires… sans oublier sa passion pour les femmes. « Je n’ai pas trompé ma femme. Je me suis trompé de femme ».
Tout cela est amené de façon détendue et amusante. On n’est pas là pour assister à un procès. Juste des constats qui montre aussi ce qui est acceptable ou non de la part d’un politique. Au final, tant qu’il est sympathique, n’est pas le plus important? Car lorsqu’on repart chez soi, on n’a pas une moins bonne opinion du gars. D’ailleurs, Régis Vlachos debout fier dans son slip tricolore à des airs à Superdupont de Marcel Gotlib et Jacques Lob. A sa manière lui-aussi dresse une satire sur notre société. Les discours et les actes ne changent pas vraiment. On se souvient de sa phrase sur le bruit et les odeurs. Au final, seuls ceux qui veulent la couronne tournent.
Un spectacle remarquablement écris, joué et mis en scène par des artistes talentueux, passionnés et audacieux. Promis, après vous ne verrez plus Chirac de la même manière et le théâtre non plus.
Où aller voir le spectacle?
A la Contrescarpe jusqu’au 5 novembre 2023