Depuis son origine, le débat télévisé présidentiel permet de mettre des politiques face aux français. Les discours politiques changent-ils vraiment ? Les éléments de langage se sont-ils modifiés ?

Le débat politique télévisé présidentiel depuis 1974 permet de mettre des politiques face aux français. Les discours ont-ils beaucoup changé avec le temps ? En 2015, la metteure en scène Emilie Rousset travaille avec la réalisatrice Louise Hémon pour produire Rituels, des performances alliant théâtre et vidéo dans le cadre de festivals. Après Rituel 1 sur l’Anniversaire, Rituel 2 sur le Vote et Rituel 3 sur le Baptême de mer, les deux jeunes femmes ont décidé de s’orienter vers un sujet plus politique. Pour Rituel 4, elles portent un regard critique sur le débat télévisé des deux candidats à la présidence de la République Française d’où le nom Le grand débat. Sur l’ensemble des débats, elles choisissent des extraits quelques thématiques comme le social, l’économie, la nation… en faisant des coupes stratégiques dans les répliques. Le fait de connaître ou non les hommes politiques ne nuit nullement à la compréhension du texte très ingénieusement construit. Les extraits se mélangent et pourtant le discours final reste compréhensible et censé. On a l’impression que les politiques disent toujours la même chose juste les formulations changent.

© Philippe Lebruman

Emmanuelle Lafon (déjà rencontré dans le précédent spectacle d’Emilie Rousset, Rencontre avec Pierre Pica) et Laurent Poitrenaux interprètent les candidats dans un face à face caméra. Ils donnent vie aux réparties, aux mimiques de François Mitterand, Valéry Giscard d’Estaing, Jacques Chirac, Lionel Jospin, Nicolas Sarkozy, Ségolène Royal, Emmanuel Macron et Marine Le Pen. La particularité du jeu repose sur l’oreillette que les deux comédiens possèdent. Ils entendent tout leur texte monté avec les vraies paroles prononcées. Donc ils doivent à la fois combiner leur débit de parole avec ce qu’ils entendent, faire attention au rythme et écouter un peu ce que le partenaire dit. Un exercice assez particulier qui demande d’être très exigeant dans leur travail. Par chance, nous avons affaire à des comédiens humbles, professionnels et talentueux. Ils s’investissent complètement dans les personnages qu’ils incarnent plus ou moins longtemps. Le résultat étonne et on se laisse emporter par ces échanges, parfois absurdes. D’ailleurs, on rit beaucoup.

Sur scène des caméras filment en live comme dans les vrais débats télévisés. Au-dessus de la scène, un imposant écran rediffuse en direct les images. Les plans proposés et le montage se font échos des modifications de la construction du débat en lui-même à travers le temps. On va passer du plan fixe à un plan plus large, d’un plan juste sur le candidat qui parle à un plan avec les deux visages visibles ce qui implique que les caméramans doivent se déplacer et s’adapter. Les changements ne s’arrêtent jamais puisque maintenant les candidats peuvent parler quand ils le souhaitent sans attendre qu’on leur donne la parole comme on a pu le constater dans le dernier débat entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen. Le sens du discours devient de moins en moins important et chacun cherche la punch line qui fera la différence, qui marquera les esprits. Fini les débats d’idées, plus le temps d’ailleurs. Il faut que tout aille vite, tout comme les messages sur les réseaux sociaux. Ils doivent simplifier, quittent à mentir ou à exagérer les faits ce qui parfois donne l’impression d’un combat à la violence verbal.  

© afp

Un spectacle étonnant qui pousse à réfléchir au sens des mots, aux valeurs de notre société et aux comportements de ces politiques censés nous représenter. Indéniablement, il faut suivre le travail d’Emilie Rousset.

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