Parfois on fait des rencontres qui changent notre vision de la société. C’est le cas pour la compagnie Les Maladroits lorsqu’ils écoutent celle qu’ils ont rebaptisés Colette. Une femme au cœur de la tourmente pour les droits de l’homme, de la femme et de la citoyenne.
Les comédiens de la compagnie Les Maladroits décident toujours de partir de la réalité pour leur spectacle. Lors d’une rencontre avec une femme qu’ils nommeront pour le spectacle Colette, quelque chose de passe. Pendant plus de 2h00, elle va se raconter avec passion. Le hasard la placera au centre des combats pour l’égalité à l’enseignement, des droits de la femme, pour la pilule, pour le droit à l’avortement gratuit et anonyme, contre la ségrégation à San Francisco… dans le tournant des années 70.
Se pose alors une question, comment 4 hommes peuvent-il parler de féminisme ? Chacun de son côté est parti interroger sa famille, des amis qui ont connu mai 68 pour mieux comprendre cette période dites plus tolérante et juste. A leur grande surprise, l’état d’esprit n’était surement pas à penser l’égalité homme/femme. Mais des voix féminines s’élevaient et des femmes étaient de tous les combats. Une évidence les frappe : ils doivent créer le spectacle autour de Colette. Ils peuvent s’approprier la lutte féministe.
Après presque deux ans de travail, « Camarades » prend vie grâce à la créativité, l’énergie et la bienveillance de Benjamin Ducasse, Valentin Pasgrimaud, Hugo Vercelletto-Coudert et Arno Wögerbauer. Le personnage de Colette n’a pas besoin d’être présente pour exister. L’ingéniosité de la mise en scène fait l’illusion. Un cerf tête ici et nous avons Bénédicte, une amie de Colette, un tablier et voilà le père boucher… De même pour nous plonger dans l’action grâce au théâtre d’objets. Leur outil de prédilection : la craie. Elle permet à la fois d’écrire et d’effacer comme l’Histoire. L’objet se transforme en personnage et peut même s’adapter à la couleur de peau. Et elle sert également à créer l’ambiance avec de la poussière qui devient aussi bien fumée de cigarette que gaz lacrymogène.
Tout va vite. Tout est énergie et tout fait sens. On se sent porter là où l’Histoire s’écrit (ou tente de l’être), dans les luttes pour l’égalité et le respect de chacun. Les objets bougent, s’envolent, se dispersent… Nous sommes dans une course permanente et palpitante. La musique nous entraîne et montre aussi l’évolution des mentalités. Les comédiens occupent tout l’espace. Rien n’est laissé au hasard. Nous allons aussi bien au sein d’un logement d’un français moyen, que dans les rues de Nantes lors de manifestations étudiantes, aux Etats-Unis pour la lutte des droits des noirs…
Une proximité à l’intime pour mieux parler de la société. Tout se dévoile avec pudeur comme la mère qui confie à sa fille avoir fait appel à des faiseuses d’anges, un frère qui revient de la guerre d’Algérie complètement déboussoler, le fait que les femmes ne pouvaient ouvrir de compte en banque, le contrôle des médias par De Gaule ou les réunions Tupperware qui étaient les premières réunions non-mixtes à la parole libre. Des petites choses qui construisent la mémoire et qu’il faut transmettre pour changer les choses en mieux. Une réflexion qui devient plus vivace grâce à ces voyages temporels et une mise en perspective. Un choix brillant d’intelligence comme tout ce qui nous a été créé. On ressort du spectacle rasséréné et enthousiaste face à tant d’espoir et de personnes prêtes à lutter contre l’injustice.
Un spectacle fort et engagé qui sait faire réfléchir sur hier pour mieux construire demain.