photo : Miliana Bidault

Vous sentez-vous prêt à vivre une aventure haute en couleurs ? Oui ? Alors dirigez-vous vers le Studio Théâtre d’Asnières qui va vous emmener à la rencontre d’un homme humaniste dans un univers festif et rempli de folie.

Tout commence en 1968. Jean-Louis Barrault est alors directeur de l’Odéon. La grogne monte dans Paris. Son théâtre est occupé par des étudiants qui voient dans ce théâtre le symbole de la culture bourgeoise et du gaullisme. Refusant de couper l’électricité pour déloger les occupants, le ministère de la Culture le congédie. Dans ce contexte libertaire, il créé avec sa compagnie le spectacle « Rabelais ». Un défi étonnant en choisissant de jouer l’intégralité des pièces de l’auteur. On oublie l’impertinence, la soif de vie et le côté grivois de l’auteur mais Jean-Louis Barrault connaît les œuvres et va les exploiter en rajoutant sa touche personnelle. Pour jouer cette pièce, il va occuper le ring du théâtre de l’Elysée-Montmartre sur une musique de Michel Polnareff et des danseuses du Crazy Horse. Là où était organisé des matchs de box, de catch prend vie une histoire loufoque avec 40 comédiens et 4h00 de représentation.

© Laurencine Lot

50 ans plus tard, Hervé Van der Meulen décide de redonner vie à ce projet audacieux dans son théâtre, le Studio Théâtre d’Asnières avec le théâtre Montansier de Versailles. Par contre, il choisit de réaliser une version plus courte de 2h45 avec 19 comédiens sur scène. Une prise de risque audacieuse comme il est bien rare d’en voir actuellement au théâtre. Et le résultat est à la hauteur de ce défi improbable. On y va retrouver tous les éléments : les voyages des héros rabelaisiens, les facéties de Panurge, les plaisanteries scatologiques, les disputes avec les autorités civiles, royales et religieuses, les guerres picrocholines et autres, les balades à Thélème et à la Dive Bouteille. Rabelais a été moine, médecin, voyageur, traducteur, auteur et reste d’une étonnante modernité. Cet humaniste condamné pour apostasie souligne dans son écriture l’importance de la liberté d’agir et de penser dans une société au pouvoir religieux inquisiteur. Pour ces histoires, il mélange plusieurs genres : le conte, la parodie, le roman d’aventure… tout en montrant la richesse du vocabulaire puisé aussi bien dans les langues mortes que dans les dialectes régionaux. Une source d’inspiration qui insuffla bien des idées grandioses de mise en scène à Hervé Van der Meulen et aux scénographes Claire Belloc et Isabelle Szymaszek. On voit juste une grande toile bleue en fond de scène, des portes manteaux où sont déposés des costumes, des chaises et deux escabeaux. Cela suffit à nous emmener vers des mondes les plus stupéfiant. On met une planche sur un escabeau et nous voilà dans un château en pleine ripaille attendant la naissance de Gargantua. On rapproche deux espaces de siège et nous embarquons sur la mer au cœur d’un gigantesque bateau. Les comédiens montent en haut de l’escabeau et nous voilà dans un tribunal.

De même, le bateau connaît une forte tempête. Un morceau de bois descend du plafond sur lequel est attaché cordes et toiles. Les comédiens s’en emparent et bougent vigoureusement. Effet garantie que nous tanguons au cœur du navire. Des détails même modernes s’intègrent comme des références à Bruce Lee ou Dragon Ball dans une scène comique avec un moine combattant. Que de détails à raconter tellement bien réaliser et intégrer avec intelligence. De même pour les centaines de costumes réalisés par Isabelle Pasquier et Alice Laforge vraiment travaillés jusqu’à l’infime petit détail. J’avais envie de prendre mon appareil photo et de prendre le temps de tout bien observer pour tout mieux voir et montrer. De même pour le maquillage d’Audrey Million. Les comédiens portent chacun des marques noires sur les visages qui leur donnent une nouvelle intensité dans leurs personnages. Et des personnages nous allons en rencontrer. Les 19 comédiens qu’il faut citer : Étienne Bianco, Clémentine Billy, Loïc Carcassès, Aksel Carrez, Benoît Dallongeville, Ghislain Decléty, Inès Do Nascimento, Pierre-Michel Dudan, Délia Espinat-Dief, Valentin Fruitier, Constance Guiouillier, Théo Hurel, Nicolas Le Bricquir, Juliette Malfray, Mathias Maréchal, Théo Navarro-Mussy, Pier-Niccolo Sassetti, Jérémy Torres et Agathe Vandame jouent, chantent, dansent, miment… Chacun aura le droit à être mise en avant. Personne n’est laissé pour compte et tous collabore à rendre ce spectacle fantastique.

On s’émerveille des décors, des costumes et des comédiens plus talentueux les uns que les autres qui nous emmènent dans un voyage où à aucun moment on ne s’ennuie. Jamais le sourire ne quitte les visages des spectateurs et les rires, toutes générations confondues, raisonnent à tout va. Comment être insensible à cette prestation singulière pleine de fougue et de folie ? On ne peut pas. On se lève, on applaudit et on dit : Merci.

jusqu’au 23 décembre 2018

Studio Théâtre d’Asnières
3 rue Edmond Fantin
92600 Asnières-sur-Seine


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