Le Roi-Soleil aimait la danse. Alors quoi de plus normal de trouver un spectacle en son honneur. Mais est-ce un véritable hommage que Robyn Orlin veut lui rendre ?

La chorégraphe sud-africaine signe une allégorie critique du monarque absolu, Louis XIV. Ce grand mécène des arts et des lettres a bien des côtés sombres que l’on évoque peu. Pour que la France rayonne dans le monde, il fallait conquérir d’autres territoires et y imposer ses règles. C’est ainsi que naquit le Code noir. Un texte qui définit les droits du « propriétaire » sur son esclave. Le récit pourrait paraître alors bien triste. Mais Robyn Orlin sait, avec humour et ironie, parler de sujets sensibles. L’artiste n’en est pas à son galop d’essai dans le milieu de la danse.

Pour raconter l’histoire qu’elle a imaginée au centre de sa création, se trouve non pas un danseur classique mais Benjamin Pech, étoile fraîchement retraité de l’Opéra. Il incarne avec folie et suffisance ce roi qui n’a pas de limite. Une performance qui l’éloigne de son travail de ballet classique. Serait-ce alors une façon de faire un lien entre le classique et le moderne et de montrer l’influence de l’un sur l’autre ?  

Le danseur, ici s’autorise tout. Il installe son trône au milieu du premier rang, s’entoure de belles femmes, place sur la scène et sur son fauteuil une longue traîne en couverture de survie dorée… La lumière s’y reflète en des milliers d’endroits à l’instar de la galerie des glaces. Le spectacle commence avant l’heure. L’artiste s’impose aux spectateurs et montre un côté râleur, moqueur, presque déplaisant. Le jeu du comédien incarnant le Roi-Soleil est troublant au point de se demander s’il joue un rôle ou se montre aux spectateurs au naturel… Cette ambivalence est désirée. Le comédien se présente à la fois comme danseur et roi. Le trouble est lancé sur son identité. Il se présente comme roi et danseur. Est-il touché lui aussi par un souci d’ego ? Robin Orlyn dira : “ Mon personnage de Louis XIV rentre de voyages effectués en Afrique en 2017-2018 pour aller chercher de l’or. Il a changé et veut le faire savoir. Il est de retour mais parmi des réfugiés et il n’a pas de papiers. Quand il arrive en France, la première chose qu’il cherche est un théâtre pour y partager sa nouvelle vision avec le public. On peut voir deux ballons qui ont la forme d’un lion sur les côtés de la scène pour symboliser un territoire.

La modernité est très bien représentée. Le roi arrive vêtu d’un jogging. D’ailleurs, il se trouvera assez vite en slip dans lequel l’artiste semble très à l’aise. Au loin, une paire de bottines trône sur un siège et sera manipulé par une spectatrice pour une révision des cinq positions élémentaires de la danse classique. Il va passer son temps à se filmer via à son téléphone portable. Les images seront retransmises au-dessus de la scène sur un écran rond. Puis, après une séance pour savoir comment éplucher une orange à l’africaine nous aurons le droit à un peu de danse. Le talentueux claveciniste, Loris Barrucand, n’est pas là uniquement pour meubler et quelques lectures du Code noir. Le musicien et le danseur forment un duo étonnant qui pose des questions sur le rapport à l’homme, à sa couleur, son origine, ses droits, ses rêves, sa liberté….

Ensemble, ils semblent aussi naufragés dans une mise en scène parfois absurde et étrange. Par chance, le spectateur ne s’y noie pas et reste parfois surpris par cette performance qui invite à réfléchir.

 

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