Pour sa première création, le théâtre 13ème art propose de redécouvrir une pièce de Molière. Morgan Perez, assisté par Laurent Grima, propose de redécouvrir un classique mais dans une mise en scène plus moderne. Alceste et Célimène s’aimeront-ils alors différemment ?
On pourrait se dire que monter un classique dans un nouveau théâtre n’est pas très original. C’est une chose qui se fait assez couramment pour se garantir un public qui se sent rassuré par un classique. Et surtout qui permet de faire venir des scolaires et du public familial. Une prise de risque alors somme tout très mesurée. Toutefois, le théâtre avance un argument qui peut nuancer le côté frileux avec un projet qui vise à accompagner la création et la diffusion de pièces de théâtre classique au grand public qui se nomme « Nos Répertoires ». De plus, les comédiens sont issus de conservatoires donc il y aurait la professionnalisation de jeunes comédiens. Le metteur en scène, Morgan Perez, lui, n’est plus en phase d’apprentissage car il a travaillé aussi bien au cinéma, à la télévision et au théâtre. Une carte blanche qui n’est pas pour les jeunes metteurs en scène comme le fait le théâtre 13.
Afin de rendre accessible l’essence du texte de Molière, le spectacle qui doit durer normalement 3h00 a été ajusté à 1h30, pour se rapprocher d’un temps classique d’une pièce. Mais est-ce que cela nuit vraiment à l’histoire ? Je répondrais NON. On retrouve Alceste, très subtilement interprété par Jean-Louis Garçon, qui aime éperdument la belle Célimène, Gaëlle Battut, une jeune femme éprise de liberté, qui même à la suite de son récent veuvage, continue à tenir salon chez elle. Il voudrait que sa belle maîtresse déclare publiquement son attachement à lui. Elle s’y refuse trouvant toujours de belles excuses. Deux petits marquis (Julien Sicot et Victor Richet) intègre le salon de madame et espèrent attirer sa faveur. Arsinoé (Agathe Fredonnet) qui aime Alceste, essaie de mettre en garde Célimène des rumeurs circulant à son propos. Puis elle va alerter le jeune homme, totalement insensible à ces charmes. Au pire, il préférait sa cousine, Éliante (Clara Leduc) et personne d’autre. En parallèle, notre amoureux se trouve en bien fâcheuse position car il a donné sa véritable opinion, d’un vers à un noble (Mickaël Pernet) qui a la rancune sévère. Il risque gros. Son ami, Philinte, interprété avec justesse par Bastien Spiteri, reste à ces côtés et entends les reproches liées à sa complaisances vis-à-vis de la société.
En 1966, lorsque la pièce est jouée, elle ne reçoit pas un accueil très chaleureux. Elle remet en cause les privilèges donnés à certains bourgeois. Chacun cherche à découvrir qui se cache derrière le personnage d’Alceste alors joué par Molière. Les historiens choisiront de retenir que c’est l’auteur lui-même trahit pour son ami, Racine et peut-être trompé par sa très jeune épouse, Armande. Une amitié et une jalousie très bien mis en scène par Morgan Perez. L’espace scénique se divise en deux. Nous avons d’un côté deux panneaux assemblés face cachés au public et l’autre trois panneaux avec une scène ouverte au public. Le premier sert d’espace de danse mis ingénieuse en lumière. L’autre montre, une chambre/salon avec canapé, table et lit. Les échanges verbaux se font presque exclusivement dans cet espace.
Les panneaux sont gris clair avec du mobilier moderne aux couleurs neutre. Quelques touches de couleurs habillent les comédiens. Chacun porte une écharpe de teintes différentes avec une position particulière. Seule Agathe Fredonnet porte une robe bleue. Un ton résolument moderne qui fait toujours sonner juste les vers de Molière. Même la musique qui marque aussi bien les différentes scènes qu’accompagnement sonore, tombent toujours justement. La modernité se fait aussi par la présence des téléphones portables pour les missives. Mais comment ne pas connaître le destinataire et l’expéditeur avec cet objet ? Un objet qui parle assurément aux jeunes, cœur de cible du spectacle. Il serait intéressant de savoir si ces derniers se retrouvent dans les personnages sur l’importance des apparences, les médisances, la complaisance et les premiers émois loin de la religion et des biens pensants. Arrivent-ils à s’identifier ?
Une interprétation résolument moderne à destination du jeune public afin qu’il se sent plus proches des personnages classiques. Mais rassurez-vous les adultes aussi y trouveront leur compte.
ALCESTE : Il est vrai : ma raison me le dit chaque jour ;
Mais la raison n’est pas ce qui règle l’amour.
Molière, Le Misanthrope, acte I, scène 1
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