Un vent de folie souffle à la Cartoucherie. Alors quoi de plus normal qu’au sein du théâtre de la Tempête de découvrir le surprenant « Le maître et Marguerite » de Mickaïl Boulgakov. Une rencontre étonnante avec une œuvre qui ne pourra que vous enchanter.


Quand un roman prend vie sur scène
Un OLNI (Ouvrage Littéraire Non Identifié) a doucement fait sa place dans les rayons des librairies du monde entier. Beaucoup de libraires vous diront que cet ouvrage russe à quelque chose de particulier. Il faut se plonger à cœur perdu dans ce petit pavé de 600 pages. Une lecture qui saura vous dérouter pour mieux vous inviter à tourner les pages encore et encore. Est-ce lié alors à un envoutement ? Serait-ce alors Satan qui nous pousserait à cela ? Car il se manifeste dans les mots de l’auteur aussi bien sous les traits d’un professeur, d’un magicien ou du maître des enfers. Il se balade dans le temps et l’espace avec tranquillité avec son gros chat bavard, Béhémoth. On rencontre aussi un auteur, le Maître, qui s’est perdu suite au rejet de son ouvrage se situe à Jérusalem aux côtés de Ponce Pilate. Cette déchéance l’a poussé à abandonner son amour, Marguerite pour s’enfermer dans un asile psychiatrique. Pour le retrouver, elle est prête à se transformer en sorcière. D’autres histoires et personnages vont s’entremêler. Voici un bon terreau pour donner vie sur scène à cet univers complètement loufoque.


De quelques mots à des artistes
Il fallait une mise en scène à la hauteur du texte adapté. Et quand on arrive dans la salle, on constate ce partie pris. Le spectateur a la possibilité soit d’aller dans la salle ou soit d’aller s’asseoir sur scène. Pour ma part, j’ai décidé d’aller sur scène dans l’espace qui mettait prévu. Igor Mendjisky n’a pas choisi au hasard cette disposition. La participation du public sera requise par moment. Et par moment, son apparition sur scène pourra poser des questions d’ordre moral. Mais avant de s’interroger, on se laisse porter par l’histoire d’une part qui mélange trois récits. Et d’autre part, on se laisse guider par l’excellent jeu des comédiens qui à 8 interprètent 18 personnages. Même si les rôles féminins sont moins présents et moins flamboyants, on ne peut qu’applaudir avec force et reconnaissance le travail des artistes présents qui se donnent corps et âme. Et il vaut mieux dans une histoire qui parle du Christ, de Ponce Pilate et du Diable. En un clin d’œil, ils changent un détail de leur costume, prennent un accessoire, voir se décoiffent légèrement et ils sont autres. Interdiction de se tromper car tout se fait sous l’œil scrutateur du spectateur qui les entoure. Par chance, tout est maîtrisé avec la précision d’un horloger suisse. Même lorsqu’ils parlent en russe, en hébreu ou en grec, l’accent sonne juste et vrai.


Une mise en scène sobre et éclatante d’ingéniosité
La mise en scène permet de mettre en avant ces artisans de l’illusion comme le diabolique et hypnotisant Romain Cottard. Il s’illustre avec éclat du rôle de Diable. Sans oublier l’intriguant Pierre Hiessler, l’éblouissant chat Alexandre Soulié, le talentueux conteur Yuriy Zavalnyouk, une assistante diabolique Pauline Murris ainsi que la délicate Esther Van den Driessche. Et Igor Mendjisky, touchant comédien et extraordinaire metteur en scène va aider à montrer l’illusion. Comment être à deux endroits dans des pays différents ? On traverse le plateau pour aller un peu plus loin devant un fond vert. L’écran en fond de scène montre un magnifique décor à la plage. Puis quelques instants plus tard, le revoilà sur le devant de la scène. Magie. Et tout est de l’ordre de cet acabit avec une scène surélevée, quelques luminaires, des chaises, des écrans de surtitrages… Pas besoin d’énorme moyen quand on sait utiliser intelligemment toutes les choses et que l’on sait diriger les comédiens. L’espace s’occupe et se transforme au gré des scénettes. Et si on ne le voit pas, votre imaginaire comblera le reste. Pour passer d’un lieu à un autre, on bouge la chaise et l’éclairage et l’illusion opère immédiatement. Le metteur en scène a dit lors d’une interview : « Je veux que le spectateur soit placé au cœur de la folie de Boulgakov. ». C’est un pari réussi.

 Les limites entre vérité et illusion deviennent troubles. Tout devient possible. Alors le temps s’échappe et le spectateur devient captif d’un moment extraordinaire. C’est grâce à de tels talents que le théâtre reste vivant et pousse les gens à revenir vivre de telles aventures. Alors tout simplement, Merci et Bravo.

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