Un jeune aristocrate parisien est obligé de se marier avec une femme de la campagne. Le choc des moeurs va avoir lieu. Qui de l’apparat ou des sentiments va prendre le dessus? 


Une pièce qui sort du placard
Cette comédie ne fut que deux fois jouée à sa création en 1734. Depuis, elle n’avait pas été rejouée. Eric Ruff a décidé de ressortir le texte du placard pour lui donner une nouvelle jeunesse. 

Le « héros », Rosimond (Loïc Corbery), jeune aristocrate parisien, obsédé par les apparences est obligé, par sa mère (Dominique Blanc) d’épouser une gentille et très sage jeune fille de la province, Hortense (Claire de la Rüe du Can). Il l’a méprise d’emblée pour sa simplicité. Mais la jeune femme ne va pas se laisser traiter ainsi. Elle va le mettre à ces pieds ce petit-maître. C’est genoux à terre qu’il va lui faire sa demande en mariage et de façon sincère. Aider de sa suivante, Marton (Adeline d’Hermy) va déjà métamorphoser le valet de Rosimond (Christophe Montenez). Le jeune garçon va devenir plus honnête pour l’amour de Marton. Il va montrer ce qu’il ressent et va inciter son maître à faire de même.

Tout aurait pu bien se passer sans l’arriver de Dorimène (Florence Viala), l’amante de Rosimond qui vient pour s’opposer au mariage pour le plaisir de la contrariété. Elle ne va pas venir seule. C’est avec un ami, Dorante (Pierre Hancisse) qui va avoir pour mission de séduire la belle Hortense. Ensemble vont-ils arriver à faire capoter l’alliance entre ce présomptueux petit-maître et la fille du comte (Didier Sangre)? Le véritable amour sincère va t’il naître dans le coeur de Rosimond pour Hortense?

Ne vous inquiétez pas l’amour triomphe de tout, même chez Marivaux. 


Une mise en scène au service d’un texte pas si innocent
Marivaux aime bien écrire des textes qui opposent les maîtres et les valets. « L’île des esclaves » est son texte le plus connu et est encore étudié à l’école. Il remet en question les statuts des uns et des autres et de la valeur de ces derniers. D’ailleurs dans cette pièce, c’est grâce aux valets que la situation permet de trouver une fin favorable. 

L’auteur montre les moeurs badines et les manières ridicules du 18ème siècle. Une critique pas très souvent bien accueillie du public. Ce qui explique peut-être pourquoi cette pièce n’a pu être joué que deux fois. Ces frontières de nos jours sont maintenant presque abolies ce qui a pu permettre à la Comédie Française d’avoir du public tous les jours des représentations. Toutefois, le texte possède toujours un écho très moderne comme par exemple sur le rapport de classe, sur l’importance des apparences, du culte du soi… 

Clément Hervieu-Léger à la mise en scène et Eric Ruf à la scénographie réalisent une étonnante surprise visuelle. C’est un étonnant décors aux accents champêtres, une bute de verdure où les comédiens se déplacent, se couvrent, s’enfuient, se cachent… Toute l’histoire se déroule dans ce lieu qui ne bougent pas. Adieu les salons chargées, les servants qui apportent le café et bonjour la nature. Le fond de scène est visible. On voit les grands ventilateurs qui s’activent et créé un fond mouvant sur cette dune sablonneuse. Plusieurs chemins mènent de bout en bout de la scène, les personnages peuvent ainsi se croiser ou s’éviter. 


Les costumes réalisés par Caroline de Vivaise sont assez beaux et fidèles à une époque avec une touche de modernité. 

Malgré quelques longueurs, les comédiens du français montre l’étendu de leur talent. Le brio de Loïc Corbery, Didier Sangre, Florence Viala ou Dominique Blanc ne sont plus à prouver. Quelques soient les personnages qu’ils incarnent, ils savent toujours le faire avec une grande justesse. Florence Viala est nominée aux Molières 2017 pour ce spectacle pour le Molière de la meilleure Comédienne dans un second rôle. Et ils doivent être heureux car la relève est là et la virtuosité est au rendez-vous. Que cela soit Pierre Hancisse ou Claire de La Ruë du Can, ils ont incarné plus d’une dizaine de personnages depuis leur entrée en 2012 et 2013.

Mon coup de coeur a été pour le duo de valets d’Adeline d’Hermy et le très charmant Christophe Montenez. J’ai adoré la variation dans leur jeu, leur complicité, leurs regards, leur rapport aux autres… Bref, j’ai aimé toute leur prestation. J’apprécie beaucoup le travail de Christophe Montenez que j’ai adoré dans « L’Autre » et dans « Les Damnés ». D’ailleurs, lui aussi est nominé aux Molières 2017 pour son incroyable prestation dans « Les Damnés » pour Molière de la Révélation masculine. J’espère vraiment que les comédiens vont les recevoir. 

C’est sur une dune aux longues herbes folles posée sur la grande scène nue de la salle Richelieu que les mots de Marivaux résonnent. Argent, mariage, sexe, ambivalence, valet/maître, province/paris, bourgeois/aristocrate, vrai/faux serments vont s’entremêler pour une réflexion. L’auteur a encore de beaux jours sur les planches du français.

Lien vers la Comédie Française

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