PoumonNoir-c-Juliette-DelpechLe spectacle Nés Poumon noir a sa place toute trouvée à la Maison des métallos. Le passé ouvrier belge rencontre le passé ouvrier français dans un lieu à diffusion artistique et de découvertes culturelles. Direction un concert d’enfer dans la fumée des usines.

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Jean-Michel Van den Eeyden a créé un spectacle à partir du travail d’écriture et de l’univers du rappeur/slameur Mochélan sous le nom de Nés Poumon noir. Un regard empreint de nostalgie, de tendresse et de tristesse sur sa ville natale : Charleroi. Ville anciennement industrielle doit se reconstruire sur les ruines de son passé. L’artiste à travers ces mots majestueusement choisis nous raconte sa vision de la vie et son rapport à cette ville qui l’a vu grandir. Les jeunes rêvent de (r)évolution pour vivre, se projeter et pourquoi pas espérer. La ville doit subir des métamorphoses. Adieu le charbon, mais bonjour quoi ? Taux de chômage qui monte tout comme l’insécurité. Que faire ? Comment se projeter ? Le rire ou le désespoir du spectateur se mêlent aux mots vifs et percutants offert avec passion et générosité.

« Si la Belgique était un corps, Charleroi en serait le poumon, un poumon noirci par la fumée. »

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Sur scène, à gauche, Mochélan, grand, mince, mal rasé qui arrive tranquillement face à son micro. A ces côtés, le très charmant musicien, Rémon Jr, qui ne s’exprime qu’avec des doigts en installant une base rythmique pour accompagner le slameur. Pour les accompagner sur scène on trouve une surprenante narration vidéo créée par le collectif Carolo Dirty Monitor, des photos de Juliette Delpech et les lumières de Virginie Strub. Un ensemble créatif très cohérent qui donne un spectacle hors du commun. Surtout que ce n’est pas une succession de chansons, c’est une véritable histoire d’un homme qui nous est conté, où le public est pris à partie entre des nuages de fumée, avec des interactions avec le musicien et des échanges sarcastiques avec l’équivalent du Pôle Emploi belge.

«On se pose les bonnes questions, on veut soigner nos poumons, guérir du mal de ce siècle».

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Un magnifique cri du cœur qui ne demande qu’à être écouter et entendu. Que reste-t-il de notre jeunesse qui se fait sur des ruines? Comment se construire lorsqu’on n’est plus jeune et qu’on n’a pas d’avenir ? Comment devenir soi quand le désarroi guette à chaque coin de rue ? Espérer, peut-être.

Lien vers l’artiste
Lien vers la Maison des métallos


Exemples de textes 

« Notre ville »

Refrain 1

On dit d’notre ville qu’elle est sale, qu’elle pue comme une porcherie

Mais « on » oublie qu’le beau port, c’est à zeebruge qu’ « on » l’a construit

On dit d’nos habitants qu’ils sont vils et malpolis

Alors qu’ils ont sué eau et sang pour un capital qu’on leur a pris

On est une ville d’ouvriers, une ville de travailleurs

Une ville dépouillée mais pas une ville de pleurnicheurs

Une ville désertée, une ville qui perd d’l’ampleur

Une ville qu’ils ont usée, dépecée de sa valeur

Mais dans notre ville y’a d’la gaité, dans notre ville y’a du coeur Avec parfois pt’être un peu trop d’dureté dans la rancoeur

On est une ville d’écorchés, une ville à 100 à l’heure

Une ville où on peut marcher fière de sa couleur

On est une ville urbaine, une ville de caractère

Une ville ou ça dégaine car personne ne veut finir par terre

On est une ville humaine, un vrai p’tit univers

Une ville qui se démène, une ville qui s’unit vers

Une ville saine, une usine de producteur

Une ville qu’on aime même quand elle fait un peu peur

Notre ville est belle car son histoire est riche

Trop peu d’gens s’en souviennent et beaucoup trop s’en fichent.

 

Refrain 1

On est une ville d’ouvriers, des communes de travailleurs

Une ville d’oubliés, qu’on laisse mourir sans pleurs

On dit d’notre ville qu’elle est méchante, dangereuse et agressive Mais ils oublient qu’en 70 ce n’est pas nous qui avons créé

l’offensive On dit d’chez nous qu’y a qu’des têtes creuses et des braqueurs

Moi j vois une populace malheureuse, qu’on a plongé dans la torpeur Notre ville sait se r’dresser alors on étouffe sa vigueur

Mais notre ville, plus elle est blessée, plus elle retrouve son honneur On est une ville qui a l’habitude, d’avoir la vie rude

Une ville qui a l’attitude partagée entre crue et prude

Une ville ou y’a d’tout, zébrée comme son maillot

Une ville ou on s’en bat les lle-cou ; on est avant tout carolo !

Notre ville s’mutile, elle est malade de l’intérieur

Sur le fil du futile, on l’agresse de l’extérieur

Notre pays s’égare et s’expose à la noirceur

Jauni d’un air hagard et explose dans la rougeur

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Refrain 2

On dit d’notre ville qu’elle fait mal. Mais elle se bat et ça dérange

De voir un combat frontal entre ceux qui commandent et ceux qui rangent On est une ville d’ouvriers, d’gars courageux et

franc

Une ville qu’encaisse les coups et qui les rend !

Refrain 1

J’ai 6000 bonnes raisons d’aimer ma ville ;

Tout d’abord y’a ma maison, un cordon et mon nombril Dans la partie basse j’me suis fait taper d’ssus

Ça m’a appris à encaisser et à éviter les tordus

Dans la partie haute, avec les flics, j’me suis fritté

Ça m’a permit de distinguer justice de justicier

Dans la périphérie, à nos potes on s’est juste fié

Ça nous a appris à s’unifier au moment d’se justifier

J’entends plein d’types crier qu’dans nos rue y’a des rings… Perso j’en connais qu’un et il fait l’tour de Charlyking

 

« Karma »

Refrain

J rêvais d’un Karma positif pour une vie d’artiste prolifique

pas d’un cadenas, posé vite, entre les stries de ma propre éthique

le canevas prophétique qu’on nous propose est maléfique

mon carnet de rimes face à cette mascarade est pathétique

 

1er couplet

frasques d’hypocrite, presque bien décrites

masquent les rites morbides au profit de fresques synthétiques

j voudrais sourire mais j peux plus

rythme drastique que j’impose à mes rétines lorsque mes yeux s’engluent

j’n’ai plus le sens de l’humour, j’arpente une voie prioritaire

ma répartie court pour toujours dans l’angle mort de la navette

j’n’ tiens pas le volant mais je me faufile vers l’avant pour pr endre les manettes

j’décapiterai le conducteur et ferai faire un frein à main à cette planète

j’m’en veux d’écrire des phrases sombres

dans le miroir j’en arrive à me demander pardon

pourtant mes braves songes sont colorés

ils s’évaporent en trou de mémoire dès que ma tête quitte l’oreiller

j’pourrais faire semblant d’être cool à l’heure de l’écriture

draguer des gonz’ siffler de l’alcool en guise de fioriture

21

mais j peux pas … bientôt quelqu’un m’appellera papa

mon tracas n’est pas pas de lui trouver de la barbac mais de réconcilier mes zygomatiques avec leur travail !!!

 

Refrain

 

2éme couple

j veux pas être la moitié d’un hypocrite !

Coupable de ma grande gueule, mes actes ne suivent pas mon état d’panique

ma pratique au stylo s’écarte du parcours que je construis

que deviendrais-je si j’envoyais bouler votre économie

j’peux pas vivre en autarcie, ça me contrarie

plus on m’applaudis, plus j’ai l’impression d’être une otarie

je nage dans ma propre merde, et en option,

si on me tend un poisson, je refais : un joli plongeon !

Tout ce qui me reste, c’est ma passion et j’en suis là

j’me sens coupable de l’élection de Joseph Kabila

j’peux pas me convainvre que je n’y suis pour rien

dois-je pour autant faire exploser le parlement européen

OK .. facile de parler, facile d’écrire des textes

j vois tjs pas comment soulager la tension dans mon cortex

même les ratures sur le papier façonnent la cage de ma petite vie

ce n’est pas demain la veille du jour suivant : l’autonomie !

 

Refrain

 

3ème couplet

l’avénement du rap conscient, c’est la merde, je suis perdu

depuis que les événements se torchent, comme des trou du cul

les clips s’entassent sur internet, les clics dépassent les intermèdes

pas de remède pour ce système qui s’encrasse à chaque fois qu’on l’interprète

Plus de message à faire passer, j’ai l’impression que je m’assieds

j fais des massages, avec des mains d’acier

plus mes rimes sont belles, plus j’ai la sensation de m’égarer

mais j suis un train, pas un wagon, j préfère dérailler !

Mise en abime de cette écriture, autrefois chère à mon coeur

j déprime plus, j suis heureux, donc j’irai l’être ailleurs

une lettre à l’heure la cadence me comprime ce con de cortex fait vaciller le passé que je me coltine

j tartinais des blocs de feuilles avec des larmes d’encre bleu

maintenant je chiffonne le papier 5 fois sur deux

j commence un tas de trucs, puis j vais au bout de rien

pourtant je savais en partant qu’il existait des trous sur tous les chemins

 

Refrain

 

 

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