Marc Blanchet et Alexis Armengol ont décidé de s’inspirer de « Prométhée enchaîné » d’Eschyle pour revisiter la mythologie pour l’insérer dans un monde politique et écologique. Je suis allée à la rencontre de Prométhée, d’Io et de Pandore qui vont nous conduire à l’homme et à son humanité. Un chemin mené d’embuches et de questions qui ne peut laisser le spectateur indemne.
Du feu découle bien des choses que les Dieux ne pouvaient prévoir. Mais très vite, ils s’en sont accommodés et ont pris plaisir à regarder la déchéance. L’homme arrive très bien à se détruire alors pourquoi pas se délecter de la destruction. Eschyle a bien entendu parlé de ce sujet dans Prométhée enchaîné qui a inspiré Marc Blanchet et Alexis Armengol. Mais l’inspiration a été puisée également dans une fable autour de Pandore et des entretiens avec des ouvriers. Tous ces textes ont permis de créer un récit sur les mécanismes d’asservissement et de libération de l’individu, sur les dispositifs de contrôle et les moyens de s’en libérer.
C’est alors sans surprise que le monde de l’usine se retrouve dans la mise en scène. Au début, un grand espace avec des matelas et un sol légèrement sale. Une lumière assez discrète qui est à la fois gérer par les comédiens via un lustre qu’ils peuvent toucher et via des spots très intelligemment dirigés. Au fond, un grand mur noir où est fixé une grande bâche et quelques supports. Puis très vite, des espaces vont s’ouvrir et laisser la place à des couleurs. Le spectacle se fait en deux parties, la mythologie revisitée puis à une société plus contemporaine vivant cachée.
La première partie commence avec des espaces fermés, où tout est noir et où on assiste à une scène de torture de Prométhée. Il a volé le feu aux Dieux et pour cela, il doit souffrir. Tortures physiques et psychologiques, il va devoir comprendre l’erreur qu’il a faîtes. Sur terre ou enchaîné sur son rocher de bois, il revit après dévoration de ces entrailles. Pourtant, il garde un peu d’espoir et ne regrette pas son geste. Dans sa solitude, il va rencontrer Io, qui doit errer dans le monde. Il lui annonce que bientôt, elle n’aura plus à errer sur terre. Cette nouvelle la touche et la réconforte car la tristesse est très présente en elle.
Un espace du mur disparaît pour faire apparaître un autre monde. Héphaïstos recycle le feu prométhéen au service de la technique. D’ailleurs, il porte une tenu de forgeron. Il travaille le fer et surtout sur une boîte qu’il va confier à une femme. Délicatement, il va traîner sur son dos un gros sac plastique. Puis doucement, le sac s’anime et une charmante femme en sort. Une création qui rend fier son créateur. Vêtue simplement d’une élégante et originale robe, Pandore se voit confier la garde d’une boîte que jamais, elle ne doit ouvrir. Le temps passe s’écoule et la tentation devient de plus en plus importante. Les jours nous sont comptés jusqu’au moment où la boîte est ouverte. Tous les maux du monde vont alors se répartir sur la planète. Au dernier moment, d’un geste, elle le referme et juste une chose reste enfermé : l’espoir.
Dans la seconde partie, l’histoire va naître de l’intérieur de cette boîte. Un nouveau mur s’effondre où l’espace tout comme les locataires sont de vert colorés. Nous sommes en fin de civilisation, dans une petite cellule de résistance anarcho-écologiste dont le souci principal est d’« émettre ». Prendre le micro et parler, c’est la seule obsession de ce groupe. Il faut vivre ensemble et ce n’est pas facile. Autour de réflexions, ils vont essayer de se trouver des règles de fonctionnement et des objectifs communs. Dans la cabane éclairée à l’énergie de la bicyclette, chacun se demande ce qui lui est nécessaire, indispensable et superflu. Une tentative commune pour créer un possible futur en dehors de cette boîte. Un lien fragile et pourtant moteur les anime chaque jour qui se nomme simplement : espoir.
Ce travail d’écriture entre un auteur de scène et de papier est raffiné et très détaillé. Rien n’est laissé au hasard et tout est millimétré. En plus, les auteurs ont fait le choix de ne pas prendre une voie très classique. Les murs sautent, le rock se fait entendre, des sarcasmes résonnent, les choses se bousculent. Le tout servi par des comédiens (Pierre-François Doireau, Vanille Fiaux, Céline Langlois, Victor de Oliveira et Laurent Seron-Keller) investis par leur rôle et très talentueux. Les disputes sont très vraisemblables tout comme les moments d’émotions. J’ai une préférence pour Pierre-François Doireau qui m’a beaucoup touché dans son rôle d’une part de tortionnaire à la fois sauvage et cruel et d’autre part le personnage jamais content. Les moments décalés où il se met à danser ou chanter sur du rock sont vraiment très bons. Il a une véritable présence sur scène.
Un spectacle particulier qui m’a captivé de la première à la dernière minute. La révolte côtoie la soumission, l’homme est poussé à la réflexion. Je le confirme, À ce projet personne ne s’opposait.